Des boyaux de la mort aux côtes africaines, la mise en scène s’inscrit dans la chronologie du Voyage. Nous voguons avec les protagonistes, tous meurtris, vacillants, fiévreux, prêts à se jeter dans le vide et à hurler la tristesse de leur désir infini. Un chaos ordonné sous le mode de la confession, l’intimité, le délire et la violence pour nous livrer la quête initiatique d’un homme du début du XXème siècle, un cri d’existence et de désespoir sans complaisance.
Noir. Une chimère nous observe, dressant sa basse du haut de son mirador et joue, tandis que Damien De Dobbeleer balance dans un rythme frénétique et saccadé, presque dément, des mots sulfureux et libertaires, fous et négligés. L’atmosphère célinienne est d’emblée posée. Nous sommes transportés par sa fureur, son reditus ad vitam. Céline revient pour lui faire ses comptes à grand coup de délires et d’upercut devant ce qu’elle engendre de plus terrifiant.
Tableaux après tableaux, le metteur en scène décline tous les thèmes du roman et lâche ses flèches impertinentes dans ce spectacle déstructuré et poétique. Les protagonistes, d’une singularité effrayante, archétypes des héros céliniens, articulent la multiplicité de leur jeu en fonction de l’évolution du roman, ce roman magistral narré et joué devant nous. Il se reconstruit peu à peu pour nous livrer sa quintessence et sa critique de la société.
Le metteur en scène use d’outils ingénieux afin de recouvrir les détails du livre. Il personnalise à l’aide d’une lampe de poche, représentant tantôt différents continents et les rapports de force des visages. L’articulation des corps scéniques s’effectue autour de cette flamme électrique, flamme de la mort, de la nuit, des camps, de l’ennemi.
Pour les épris de Céline, ceux qui ont le Voyage injecté par intraveineuse, mais aussi pour les néophytes, ou encore les curieux d’expérience mystique et existentielle, voilà une pièce à ne pas manquer !
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