Il est même difficile de faire la part des choses : où se situe la part de comédie et la part personnelle dans ce spectacle tout en tendresse et en authenticité ? Le seul en scène de Dorothée Schoonooghe est une abondante moisson dramatique des états de la Femme, très loin ou à rebrousse-poil des stéréotypes que les médias et la société nous imposent.
Lucide, elle ne cherche pas à « avoir » mais à « être » Elle est la version féminine de l’anti-héros et n’a rien à voir avec la Femme des années 80, revisitée ou non, par le chanteur bien connu. Clameurs, gloussements et rires accueillent ses répliques et ses postures imaginatives, sa totale vulnérabilité et sa résilience. Voici un spectacle qui fait du bien et qui dilate le cœur. On trinque avec elle joyeusement (au propre et au figuré) et on participe avec bienveillance à toutes ses ratées ingénues qui font sa succulente humanité et qui mettent en scène la totale générosité du savoir être.
L’écriture de Dorothée Schoonooghe est plurielle. Elle s’est faite en collectionnant au fil du trottoir des témoignages authentiques de la « res femina ». Justement le sujet proposé par la Vénerie dans son festival « Les Venus de Mars » dont le premier volet était « Le monde de Luce et ses extases ». Un troisième volet sur les planches intitulé « La Mécanique des Femmes » est prévu les 28/29/30 mars aux Ecuries de la Maison Haute, sur un texte ambigu et puissant de Louis Calferte.
Mais, pour en revenir à la mosaïque de femmes « all-in-one » évoquées dans « Balance-moi », on constate que la joie de vivre, la ténacité devant les défaites amoureuses ou professionnelles n’entament aucunement la belle humeur de la comédienne. Si son visage et son corps se flétrissent au moindre vent de tragédie, elle retrouve son sourire radieux instantanément, se séchant (les larmes entre autres) … à une vitesse vertigineuse ! Vous reviendrez même, comme d’autres spectateurs, plusieurs fois, vous inonder de ce bonheur de scène, qui produit un bienfaisant effet de jouvence en ce frileux mois de mars.
Camille Limbourg, drôle et attachante, incarne une foule de personnages qui traversent sa vie dans un manège très maîtrisé. Les quatre cabines d’essayage s’ouvrent comme des boîtes à surprises sur quatre situations burlesques et sur ses états d’âme en évolution. Frustrations, désirs, heurs et malheurs, tout passe par une volubilité naturelle que même une séance de yoga n’arrive pas à endiguer. Tout passe par des silences plus que comiques qui subjuguent un spectateur presque étourdi, quand lui-même n’est pas sommé d’être partie du spectacle. On est dans la salle du centre sportif, on est la mère de la mariée, le lâcheur qui part avec une autre, on est aux entretiens d’embauche et dans tous les petits boulots, on est solidaire de tous les artistes, on est dans la solitude du supermarché, on est seul en Inde, et derrière le révolver.
« C’est quoi ta vie ? Acheter des produits light, vivre sur ta balance, passer ton temps à faire régime alors que les trois quarts de la planète crèvent de faim ? »