Jouée pour la première fois en langue française au Théâtre du Parc dans une version censurée, la pièce retrouve ses lettres de noblesse avec les revendications féministes de Nora. Car c’est bien de théâtre politique dont on parle avec cette pièce qui fut un scandale à l’époque, obligeant Ibsen à réécrire une fin où Nora vient s’excuser d’avoir abandonné sa famille.
Nora, très éprise de son mari Torvald, n’a pas hésité pour le sauver d’une maladie grave à imiter la signature de son père réalisant un faux en écriture. Grâce à cet acte illicite dont elle ne mesure pas la gravité (une femme ne pouvait emprunter d’argent sans être chapeautée par un homme), le couple a pu réaliser le voyage en Italie conseillé par le médecin de famille.
Mais voilà que son usurier réapparait. Dévoré d’ambition, ayant appris que le mari de Nora est nommé directeur de banque, il se livre à un chantage : pour prix de son silence, il exige de Nora qu’elle le fasse embaucher pour pouvoir se hisser aux plus hautes fonctions en dépit de sa réputation douteuse. Nora va alors vivre l’enfer.
Si Laura Petersen fut enfermée dans un asile par son mari, Nora, elle, sera sauvée in extremis. Mais le mépris de son mari à son égard, lorsqu’il apprend ce qu’elle a fait, lui ouvre les yeux sur sa condition d’épouse ‘modèle’, ou plutôt de poupée divertissante, rôle qu’elle a tenu à la perfection jusqu’alors.
De retour au Parc après « Kennedy » en 2016, Ladislas Chollat (plusieurs Molières) retrouve Anouchka Vingtier, fragile à souhait, pour évoquer le personnage enfantin de Marilyn. Revêtue de son costume « emballage cadeau », Nora prend consciente de sa condition de « jouet » d’abord pour son père ensuite aux yeux de son mari (« mon alouette qui gazouille », « mon écureuil qui frétille », « ma joueuse a encore trouvé le moyen de gaspiller un tas d’argent ») ainsi que de sa responsabilité dans l’éducation de ses propres filles.
Le décor de Thibaut De Coster et Charly Kleinermann contribue à la progression de l’intrigue. Il « respire » au rythme des angoisses de Nora. Les murs rétrécissent, se dilatent, le plateau tourne comme sur un index, la maison entière éclate comme une bulle lors de la prise de conscience de Nora pour se réduire à une miniature, une peau de chagrin, entre les mains de Torvald quand sa femme, son « divertissement », le quitte.
Plus de 140 ans après sa publication, la pièce d’Ibsen ravit encore le public malgré certains aspects caricaturaux, et garde un souffle de modernité dans la défense du droit de tout être humain à l’épanouissement et à la liberté.
Palmina Di Meo