Difficile pour Pourveur de se faire concurrence à lui-même et à ses précédents textes, l’excellent Shakespeare is dead, get over it ou l’énigmatique Abécédaire des temps modernes.
Pourtant White-out démontre que l’auteur, sacré Meilleur Auteur par les Prix de la Critique 2009, n’a pas fini d’explorer les ressorts de la langue et de l’imagination.
Son attention particulière au langage et au processus d’écriture permet à Pourveur de dépasser le simple récit, de ne pas réduire la langue à un instrument mais de lui conférer un rôle structurant et créateur. C’est sans doute pourquoi le début de la pièce présente les deux protagonistes comme narrateurs de leur propre récit, leur parole faisant être leur réalité.
Dans un univers mi-réaliste, mi-onirique, avec le « white-out » comme caution de cette rencontre entre ciel et terre, Chloé entre chez Alex. S’en suit un dialogue, parfois de sourds, mais toujours révélateur des doutes de l’un ou des illusions de l’autre... Il ne vit qu’à travers le récit de Rhett et Stella, héros mythiques de Autant en emporte le vent. Elle ne croit qu’à la passion qui l’anime pour le mystérieux Klaus, personnage qui semble les unir, à moins qu’ils ne l’aient tout deux inventé pour faire naître le dialogue.
Dans le rôle de ces deux créateurs de fictions, déclinant les possibles, Serge Demoulin et Anne-Sophie Wilkin semblent évoluer avec aisance, jouant en nuance avec les mots de Pourveur.
Quant à Hélène Gailly, elle aura su mettre en scène ce texte, en y conservant les creux qui en font la richesse mais tout en ne laissant pas cette écriture post-moderne empreinte de références se déployer devant le spectateur sans qu’il ne puisse être touché. Au contraire, ce dernier, pris à témoin par un regard ou une réplique, est embarqué de A à Z dans cette histoire, intrigué par les questions qu’elle pose ou simplement séduit par l’humour et le maniement du verbe.
Mention spéciale pour la scénographie d’Émilie Cottam, qui trace en finesse les contours de cette rencontre au cœur du white-out...