Dimanche 16 septembre 2007

When a man comes around...

Unité de temps : un soir après le travail ; unité de lieu : un entrepôt de recyclage de papier ; unité d’action : deux ouvriers trentenaires et alcooliques nageant en plein désert culturel, contraints à affronter la noirceur de leur passé à l’occasion du retour au pays et de la visite intrusive de leur amie d’enfance Betty. Le huis-clos du « Baiser de la Veuve » , d’autant plus étouffant que la facture en est classique, trouve un refuge adéquat dans l’espace confiné de l’Arrière-Scène : au sens figuré comme au sens propre, on est contents, après un corps-à-corps d’1h30 plein d’une violence ambiguë et malsaine, de retrouver l’air frais du patio intérieur.

De toute évidence, Marcel Gonzalez, le metteur en scène, a su exploiter les failles contenues dans le texte d’Horovitz. D’entrée de jeu, alors que Bobby « le Bélier » (Denis Carpentier, remarquable en brute fourvoyée rouge et suante) et Georgy « la Crevette » (Bertrand d’Ansembourg, efficace en petit roquet dangereux) – et soyons sûrs qu’ici les surnoms ne font pas les moines ! - donnent le ton par leurs bavardages salasses, des silences, des regards en biais et quelques répliques perdues laissent déjà entendre que quelque chose ne tourne pas rond... Mais quoi ? Si le non-dit affleure – et c’est là une des réussites importantes du spectacle - , il ne se laisse pas deviner pour autant. Il faudra effectivement attendre l’arrivée de Betty et une bonne heure de confrontations mouvantes entre les personnages pour que le retour du refoulé soit nommé et que le spectateur apprenne ce que ces deux-là ont à se reprocher.

La présence sur scène de cette femme n’est d’ailleurs pas une mince affaire car, du trio, c’est sûrement elle le personnage le plus complexe. Pourquoi est-elle revenue ? Que veut-elle dire ? Que veut-elle s’entendre dire ? Entre demande de pardon et volonté de vengeance, entre provocation féminine et fragilité enfantine, entre calcul et spontanéité, on peut regretter qu’il arrive à la Betty de M. Gonzalez (Flore Vanhulst) de se perdre dans un dédale d’intentions parfois peu – ou moins - lisibles, malgré des moments de grande justesse.

Cela n’empêchera pourtant aucunement d’apprécier toutes les qualités de cette célèbre pièce d’Horovitz honorablement rendues par l’ensemble de l’équipe : la satire sociale, le maniement humoristique des lieux communs, le caractère précis et incisif de l’écriture et le fondement pulsionnel des échanges humains.