La femme cultive une bananeraie. Autrefois, Albert l’aidait mais son unique fils a été tué par Faustin, un jeune paysan. Face-à-face, de gris vêtus, avec une marelle pour tout décor, ils parlent des évènements. Elle veut savoir comment son fils est mort et conclut : « Que puis-je faire ? Te haïr ? Je ne ferai que propager les ombres que nous portons tous en nous ». Cette approche minimaliste a été voulue par Felwine Sarr, l’auteur de la pièce, très préoccupé par la manière dont les victimes allaient percevoir le spectacle.
Carole Karemera, qui interprète brillamment le rôle de cette mère exceptionnelle, explique l’origine du spectacle. En 1998, la voisine de sa grand-mère allait régulièrement visiter un homme à la prison. Cet homme était l’assassin de ses enfants. Elle estimait que l’amour qu’elle avait pour ses enfants ne pouvait pas mourir avec eux et l’a donc reporté sur le génocidaire.
Tandis que David-Minor Ilunga interprète avec beaucoup de justesse le rôle de Faustin, Hervé Twahirwa, talentueux artiste protéiforme (musicien, compositeur, interprète, danseur et chorégraphe), parsème le récit de sons mystérieux sortis des profondeurs de l’arrière scène, quand il ne danse pas.
Compassion, culpabilité, traumatisme, pardon, réconciliation et reconstruction se partagent les devants de la scène dans ce spectacle qui fait la part belle à l’humanité. Un hommage aux victimes qui parviennent à vivre aux côtés de leurs bourreaux au lendemain des faits. Une très belle réussite.