Le spectacle tourne sur une mise en abyme : les comédiens jouent qu’ils jouent. Avec ce système d’alternance entre des séquences de répétitions et des intermèdes, le public se retrouve donc voyeur de ce qui, normalement, est réservé au hors-scène, au secret des artistes. Le seul situé hors de cette convention, c’est Mario, la marionnette. Or, il est interprété par... un humain, en chair et en os. Faut-il y voir une critique du "jeu" social des relations humaines ? C’est un point qui reste à l’appréciation du public.
L’univers scénographique joue sur cette double lecture : trois toiles peintes annoncent "C’est un western" avant de révéler en s’écartant "En fait, c’est un théâtre", des rochers deviennent des caisses à outils, des costumes à deux faces permettent de tenir plusieurs rôles, et d’autres passent de la fiction en carton à la réalité du tissu pour souligner la porosité de cette frontière pour la marionnette. Il y a un aspect "théâtre de la débrouille" inventif qui donne un ton léger et bon enfant. La question de la convention réapparaît : derrière des rideaux peints se cache une "loge" où le marionnettiste va se réfugier entre deux moments de scène. Pensée comme un assemblage de flight-case pour évoquer le milieu de la technique de spectacle, ce n’est en réalité qu’une façade en bois peinte, dans laquelle un cadre découpé permet de voir les comédiens qui se trouvent derrière et jouent comme s’ils étaient face à leur miroir.
Cela crée donc un troisième niveau de profondeur. Il y avait le premier niveau de jeu, celui du western où Mario est un shérif, puis le niveau de la répétition, avec l’histoire d’amour entre Walter et Brigitte. Il y a enfin, dès le moment où les comédiens se parlent à travers ce miroir inexistant, un dernier niveau, avec une ultime convention théâtrale, où les personnages sont indifférenciés des comédiens. A travers ce dispositif qui dénonce le caractère scénique de la représentation, la réalité est rendue perceptible mais elle reste peu exploitée : la matérialité des lieux (pendrillons, projecteurs, murs, …) ou le public véritable ne sont pas intégrés à la représentation. Cela entraîne un essoufflement progressif de la tension dramatique, malgré les rappels artificiels que "Le public arrive bientôt".
Au niveau du jeu, les comédiens proposent un grand écart intéressant. D’un côté, John-John Mossoux tout en mime, en interruptions, en retenue. D’un autre, Sandrine Hooge propose un personnage plus fort qui reste très attentionné et sait faire preuve de douceur. Cela crée entre eux une complicité agréable à voir. Quant à Michel Carcan, qui interprète la marionnette, il arrive à rendre toute l’inquiétante étrangeté d’un objet de forme humaine figé dans une seule expression. A faire froid dans le dos.
Si les références annoncées par le programme (« Pinocchio » de Collodi et « Dr Jekill et Mr Hyde » de Stevenson ne résistent pas à une analyse poussée, le spectacle peut quand même se voir comme un conte. Si, dans celui-ci, il n’y a ni vélléité féérique (Mario reste toujours une marionnette et ne devient jamais un véritable petit garçon), ni scènes fantastiques angoissantes de transformation en monstre, ni réflexion morale sur la dichotomie du bien et du mal, on y trouve un regard bienveillant sur la difficulté d’être en relation.
A aller voir comme un conte social, donc, pour un moment divertissant. D’ailleurs, le Centre culturel des Riches-Claires propose une offre spéciale jeune public dans le cadre de "Walter" : les enfants de moins de 12 ans sont leurs invités. Un spectacle à partager en famille, donc, car le bonheur des petits pourra ravir le cœur des grands.
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