Alain Boulin ne décolère pas. Alors qu’il s’apprête à recevoir des amis, il doit, une nouvelle fois, se salir les mains, pour tenter de déboucher les toilettes. A croire qu’ "ils" passent leur vie à chier ! Léonard de Vinci avait bien raison : "Il y a des gens qui ne laisseront d’eux que des latrines pleines." Tête pensante de la famille, Alain empêche Colette, sa femme, de confondre les bouses de vache, solubles comme des cachets d’aspirine, avec la merde humaine, qui devient indestructible. Dans la tête de ce flic expérimenté, deux suspects : son fils Robert, qui raffole des grosses boules de papier et Inge, la bonne suédoise : "Il y a quelque chose de pourri en Suède."
L’arrivée des Moreau abrège la discussion. Colette les accueille chaleureusement, mais est très embêtée quand Josette évoque les embarras gastriques de son mari. Pris de violentes coliques, Guy se met à trépigner. Alain le calme : allez chez les voisins, ils ont l’habitude. Tout à coup Colette pousse un cri perçant : une crotte imposante trône sur la table. Réflexe professionnel : Alain récupère cette pièce à conviction. Policier, lui aussi, Guy veut se mêler à l’enquête, mais ses nombreuses visites aux voisins l’empêchent de rivaliser avec le flic chevronné. Un pro qui utilise la manière forte pour faire avouer un suspect, mais qui n’hésite pas à se déculotter, pour prouver son innocence.
L’enquête piétine. En proliférant un peu partout, les crottes suscitent un relâchement général. Plus question d’astiquer les meubles souillés, pour rétablir l’ordre. Place aux pulsions. Josette prend plaisir à entamer l’éducation sexuelle de Robert. Guy ne résiste pas à la plastique aguichante d’Inge.
En revanche, Colette, très excitée, voit ses avances repoussées par un mari coincé dans son combat contre la merde.
Dessinateur, cinéaste, écrivain, dramaturge,...Roland Topor est un artiste qui prend des libertés avec les conventions, le monde, l’ordre établi. Pas pour choquer, mais pour inventer un autre point de vue. Grâce à son anticonformisme, son sens de l’absurde et son humour féroce, il nous éblouit souvent avec des trouvailles fulgurantes. Mais parfois son comique nous déçoit par son manque de légèreté. Un contraste perceptible dans les séries télévisées très populaires : "Merci Bernard", "Palace" ou "Téléchat". On le retrouve aussi dans "Vinci avait raison". Un exemple : dans une première scène, Alain gifle son fils avec une brutalité déroutante. De ce fait, lorsqu’au cours de l’enquête, il le torture longuement, pour lui extorquer un aveu, son sadisme ricanant ne nous choque plus. Dans sa mise en scène fort dynamique, Maxime Pistorio s’est efforcé d’atténuer certaines longueurs et de privilégier la satire de la bourgeoisie. Il est très amusant de voir se craqueler le vernis des convenances qui amidonnait Colette ( Elisabeth Wautier) et Josette ( Maïa Aboueleze). Inge (Amélie Saye), languissante nymphomane et Robert (François Heuse), adolescent attardé, n’arrivent pas à s’intégrer dans ce milieu conformiste. Otage de ses coliques, Guy (Thomas Demarez) illustre le pouvoir de la merde. Comme les étrons qui pullulent dans l’élégante demeure. Face à cette menace, un seul rempart : Alain Boulin (Benoît Pauwels). Il pontifie puis traque le coupable. Avec un sérieux irrésistible. Très complémentaires, les six comédiens nous embarquent dans un spectacle impertinent et fort divertissant.
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