Bernard revient de son atelier de sculpture, gonflé à bloc. Dès sa deuxième leçon, il a réussi à s’exprimer à travers... un lapin. Création qui laisse perplexe Annie, sa femme. Fatiguée, elle aimerait aller se coucher. Bernard, lui, voudrait qu’ils refassent l’amour. Après des mois d’abstinence. Mais Annie n’a plus de désir. Comprenant la frustration de son mari, elle l’encourage à prendre une maîtresse. Il a beau jouer les offusqués, cette suggestion devrait le ravir : depuis deux ans, il est l’amant de Christine, leur voisine. Mais celle-ci, lasse de cette liaison clandestine, menace de rompre, s’il ne vient pas vivre avec elle. L’ultimatum expire demain. Même si c’est le jour de la fête des mères.
Incapable de se priver de la tendresse d’Annie ou de la sensualité de Christine, Bernard va faire accepter par les deux femmes une "garde partagée". Ce manipulateur habile donne l’impression de vouloir garantir le bonheur de chacun, alors qu’il cherche surtout à préserver sa tranquillité. Son égocentrisme le rend sensible aux éloges. Au lieu de piquer une colère devant son lapin, brisé en quatre morceaux, il savoure le commentaire flatteur de son fils. Pour voir ses enfants plus souvent, Bernard devrait mieux les respecter, en se montrant moins intrusif. Poussé par une curiosité maladive, il bombarde Emile de questions sur son éventuelle petite amie. S’il propose à Fabrice de l’aider financièrement à remplacer sa voiture, celui-ci se doute qu’il achète son silence. En incarnant avec jovialité cet égoïste sympathique, Pascal Racan nous fait rire de sa maladresse, de sa mauvaise foi et de sa faiblesse. Dommage qu’il souligne trop certains effets comiques.
Annie (Martine Willequet) est une femme qui a besoin d’être rassurée. Elle craint que son fils Emile soit homosexuel et panique, à l’idée de passer seule, une nuit dans sa maison. Privilégiant le bonheur de son époux, elle signe sans réticence le pacte. Mais la jalousie l’incite à provoquer sa rivale, par des critiques mesquines : son pain perdu est bien "trop gras". Après un mariage malheureux, Christine (Hélène Theunissen) rêve d’une vie de couple épanouie. Loin du compromis bancal, qu’elle accepte à contrecoeur. Paradoxalement, les enfants sont plus raisonnables que les parents. Choqué par le ménage à trois, Fabrice (David Delaloy) jure de ne plus remettre les pieds dans cette "maison de tarés". A l’aube de sa vie sentimentale, Emile (Thomas Demarez) est dépassé par cet exemple farfelu.
La comédie de moeurs louche parfois vers le vaudeville. Avec des amants surpris dans leurs ébats et un triangle amoureux revu et corrigé. Cherchant une issue aux impasses conjugales, sans se pencher sur les causes, les personnages foncent vers des solutions, qui les plongent dans des situations absurdes et désopilantes. Comme la discussion du planning. Malheureusement de brefs intermèdes cassent l’élan de la pièce inutilement : les coups de fil donnés par chaque fils n’ont aucun prolongement. On regrette aussi la mollesse de certaines fins de séquences. Par une mise en scène plus dynamique, Alexis Goslain aurait pu supprimer ces trous d’air et insuffler à la représentation un rythme plus vif. Dans "L’Etudiante et monsieur Henri", Ivan Calbérac s’appuie sur le vécu des personnages, pour dévoiler des fêlures, qui les rendent attachants. L’émotion se mêle à la drôlerie. Coupés de leur passé, les protagonistes d’ "Une famille modèle" ne nous touchent guère. Ils nous amusent par leur audace, leur aveuglement et leurs déboires.
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