Magnifique décor de Francesco Deleo. Le rideau se lève sur un appart en duplex très design avec bar escamotable : côté Bibli (le fils ?) et côté Bibendum (le père ?). Il suffit d’appuyer sur un bouton et cela démarre. Le bouton du rire évidemment. Un rire omniprésent et totalement dérangeant pour Christophe, ce fils tristounet.
On a inversé les valeurs ...ou les habitudes. C’est le Père (François Garnier, ascendance God Save the Queen), qui est un comble de légèreté, d’instabilité et de dilettantisme. C’est le Fils (Christophe, ce qui n’est pas rien comme prénom) qui est sérieux comme un pape. Il n’a pas de petite amie, lit Kant, adore Socrate, porte des costumes de vieux et n’a jamais dit une seule phrase humoristique de sa vie. Ce qui sépare père et fils inévitablement et dramatiquement. Pas drôle, un drôle de père ! Drôle de guerre même ! Ils se sont perdus de vue depuis deux ans, au détour des infidélités paternelles et au cours de ses dilapidations d’argent successives.
Vont-ils se retrouver enfin (le mot est lourd de sens) lors d’éphémères vacances alors que le script de sa vie légère se réécrit soudain en tragédie ? En effet, de graves menaces de maladie en phase terminale planent sur la santé du père qui avoue (lucidement pour une fois) n’avoir plus beaucoup d’autre choix hors celui de l’incinération ou de l’inhumation.
Comment reconquérir un fils aliéné par des années de négligence ? Comment, lui qui adore son beau-père, redécouvrir un père honni à cause de cette aura d’amuseur public que tout le monde vénère, y compris son ex-femme (idéale), remariée depuis 16 ans et mère de deux enfants ?
Les joutes verbales entre le Saint-fils et le père charmant, volage et irresponsable, ont assurément du piquant. Particulièrement en deuxième partie du spectacle où le cynisme à la Sacha Guitry est monté en puissance. Le duo Pascal Racan /Robin Van Dyck est éloquent, efficace et profondément émouvant. Le mélange de colère et d’humour fait mouche. Les poncifs et les mensonges font rire « je peux tout expliquer et quand tu comprendras, tu vas RIRE ! » Mais des bribes de dialogue retentissent dans la mémoire… « Mais QUI est le père de cet enfant ? » ou « « J’ai fait le bilan de ma vie cette nuit ? Cela t’a pris longtemps ? Cinq minutes… » Et encore, « Tu sais, Papa à huit ans on est toujours un peu conservateur ! ».
Au verso de la comédie, il y a la menace de la panoplie de traitements que François va devoir subir et auxquels il se refuse… et ses rapports avec la Médecine. Il y a dans ces circonstances difficiles, une date que tout le monde semble oublier. Et pourtant ! Nous n’en dirons pas plus.
Le fidèle ami, c’est Michel Poncelet, comme on le connait, un bonhomme efficace et tendre. Le jeu de la troupe des sept comédiens est étincelant, on contourne avec beaucoup d’humour le pathos et on se prend les pieds dans un tapis de rires bienfaisants. Les quatre personnages féminins sont des points cardinaux bien plantés, drôles, touchants et spirituels, superbement habillés ou déshabillés, on a le choix ! Elles sont toutes resplendissantes : Rosalia Cuevas, Eléonore Peltier, Catherine Claeys et Angélique Leleux. Les splendides costumes sont signés Fabienne Miessen. Si la mise en scène d’Alexis Goslain est quelque peu tortueuse - on préfère de loin les parties « rideau levé » aux apartés de bord de scène - cela fait sans doute partie de la réécriture de Gérald Sibleyras. La pièce originale est un immense succès de Bernard Slade, grand dramaturge comique anglo-saxon, auteur d’une multitude de sitcoms, dont « Ma sorcière bien-aimée ».
Dominique-Hélène Lemaire dhlemaire@yahoo.com
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