Avec cela, impossible de mentir, tant le texte est greffé sur le langage du corps. Les pitreries révélatrices et la bouffonnerie ne sont pas non plus absentes de ce texte signé Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, les auteurs de la pièce à succès retentissant Le Prénom. Pierre Pigeolet en vrai capitaine de la scène, se révèle être un maître en la matière, tout concentrant dans son personnage toute l’humanité de la pièce. On se félicite de la mise en scène trépidante de Martine Willequet.
Un peu comme on rénove sa garde-robe, Pierre et Clotilde Lecoeur(-Sec) décident donc d’organiser des dîners d’adieu pour se débarrasser d’amis qui n’ont plus vraiment la cote. Sur la liste noire, c’est Antoine qui le premier fait les frais du vide-amitié. La fastueuse cérémonie de rupture à sens unique promet de se dérouler dans le plaisir jubilatoire pour les deux complices de la mise en scène. Dans une ambiance do it with class, on sort le vin millésimé de l’année de naissance du cher ami - comme c’est triste, sa femme, Béa a été retenue par une répétition de théâtre - on l’accueille avec sa musique préférée, on lui concocte un repas princier que l’on fera suivre par la liquidation de la cible !
Sauf que, les choses dérapent. Pierre et Clotilde perdent peu à peu le contrôle, pire, c’est l’ami offensé qui subtilement prend sa revanche et organise une séance jubilatoire et cruelle de role-playing thérapeutique pour « sauver l’amitié ! »
Pourtant, quelle superbe chimère, quelle idée grisante d’imaginer que tout d’un coup, on va pouvoir maîtriser le Temps. Préférer au gaspillage et à la dispersion, le véritable et authentique Quality Time avec famille et amis sincères ! Rayer de sa vie angoisse, ennui et obligations. Faire le ménage du Time Managing et reléguer impunément aux oubliettes tout ce qui vous dérange... et se sentir enfin libres !
Dès le départ, Clotilde, jouée avec férocité carnivore par Christel Pedrinelli a préparé un coup de Jarnac. On le perçoit dans ses intonations sarcastiques, sa fausseté, ses sollicitudes exagérées, ses rires artificiels, ses postures protectrices avec son mari. Mais la séduction de la belle a vite fait …de faire oublier tout danger. La comédienne au top de son talent de faussaire a aussi piégé le public ! Et dans le rôle du mari gauche, anxieux, et rénovateur Frédéric Nyssen fait merveille. Il s’en tire particulièrement bien dans ce monologue solitaire si inconfortable face à un Pierre Pigeolet statufié qui reste, absolument imperturbable, pire qu’un psychanalyste, figé comme un cadavre assis ! Et puis … quelles résurrections flamboyantes !
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