Certes, c’est une oeuvre intéressante, surprenante, voire dérangeante qui conduit probablement à davantage d’interrogations qu’à des réponses. Elle pose une foule de questions existentielles, sur le fond. Sur la forme, elle interpelle au sujet de ce que l’auteur-metteur en scène cherche à faire passer comme messages. Et même on peut se demander s’il a voulu transmettre un sens précis ou bien s’il laisse la liberté aux spectateurs de l’interpréter à l’aune de leur propre subjectivité. Qu’il s’agisse du public jeune ou adulte, clairement, cette pièce transcende les générations.
Le conte original n’est pas seulement revisité. Il est véritablement remodelé, refaçonné et transformé à travers un cadre social très contemporain. Ce Pinocchio-là n’est déjà plus le petit garçon-pantin turbulent de Collodi. Il ressemble plutôt à un jeune adolescent en rébellion contre toutes les règles de vie, en quête d’identité, d’affirmation, et donc de confrontation avec autrui. Pommerat l’envoie dans des univers interlopes, injustes, ou encore très violents.
S’y retrouvent tout de même des scènes plus fidèles au récit original que d’autres qui en dévient franchement. La fée, le ventre de la baleine, par exemple, nous rappellent au conte de Collodi. Et d’ailleurs ce sont probablement dans ces instants que la modernisation du conte par Pommerat opère le mieux.
Car, de fait, quand les effets grandioses de sono, d’images, prédominent, cela dessert malheureusement le jeu des acteurs – pourtant très bons. Le récit du narrateur en parallèle peut également paraître trop omniprésent. De même, la similitude entre les divers moments de la pièce produit un effet répétitif, où manque un brin de fantaisie, de changement créatif. Le tout est toujours très sombre, très linéaire.
Peut-être, et même sans doute, Pommerat a-t-il délibérément choisi cette option afin d’atteindre le public dans un sens particulier. Alors lequel ?
Certains sortiront donc de la pièce en se demandant si elle se voulait vraiment anti-moralisatrice, comme on peut le lire ici ou là. Au final, l’ambiguïté demeure, tant les possibilités d’interprétation sont vastes, voire floues.