Hervé est directeur de la plus connue des écoles de commerce du royaume. Mégalo et sans scrupule, il a une priorité absolue : être réélu à la tête de l’institution. Pour cela, il compte bien faire un coup d’éclat lors de la cérémonie d’inauguration d’un nouveau bâtiment qui doit précéder de peu sa réélection. Et quoi de plus beau que d’annoncer la fusion de la Harvard Business School avec Solvay ? Surtout qu’il a sous la main un jeune étudiant dont le père est capable de vaincre les réticences de l’illustre institution concurrente. Il lui faut donc gagner les faveurs du fils pour atteindre le père. Jacques, son vieil ami et professeur de philo désabusé à Solvay est désigné volontaire pour cette dangereuse mission. Dangereuse car le pauvre étudiant mal aimé n’est pas n’importe qui…
Cependant, ce plan rôdé comme un défilé stalinien sur la Place Rouge va se heurter à un obstacle imprévu : la jeunesse des protagonistes. Les deux complices cachent un passé trouble qui va ressurgir au plus mauvais moment. Jacques aurait sans doute mieux fait de raconter ses souvenirs des années de plomb à sa fille, car celle-ci est bien décidée à les exhumer... Or l’histoire familiale est comme une bombe soviétique enterrée dans le sol : dissimulée depuis la fin de la guerre froide, elle est toujours prête à exploser.
Albert Maizel s’est manifestement beaucoup amusé à écrire cette histoire de profs de Solvay rattrapés par leur passé de militants trotskystes. Son texte, bien écrit mais sans fioritures, parvient à nous tenir jusqu’au bout et à renouveler les situations, de telle sorte que l’on ne s’ennuie jamais. Les personnages ont juste ce qu’il faut de profondeur pour éviter la caricature tout en allant à l’essentiel du spectacle, à savoir nous faire rire de leurs malheurs. Les acteurs sont tous impeccables, avec une mention spéciale pour Bruno Georis et Pierre Pigeolet sur lesquels la pièce repose ouvertement (il suffit de voir l’affiche du spectacle). Le rythme ne faiblit jamais, aidé en cela par le fait qu’aucune scène ne dérive de la ligne stricte de la comédie. Pas de drame ou de scène d’amour : l’objectif assumé est l’humour, seulement l’humour. Point barre. Quelques vidéos viendront habilement s’intercaler dans l’ensemble pour donner vie au passé nébuleux des protagonistes.
« Trotsky Business » cède tout de même à quelques facilités. Outre la référence à Solvay, beaucoup de gags misent sur le côté belgo-belge pour emporter l’adhésion du spectateur. Les petites piques envoyées à la RTBF ou au Roi en témoignent. La veine communiste est elle aussi exploitée de manière parfois un peu grossière. Entre les FARC, l’enlèvement du baron Empain et le lexique révolutionnaire de base, tout y passe.
Mais on pardonne facilement ces petits clichés. Après tout, on aurait été déçu de ne pas entendre « l’Internationale » ou « Revolution » des Beatles dans un spectacle comme celui-là. Contrairement à ses deux héros, « Trotsky Business » ne cache pas sa vraie nature et assume sans prétention d’être une bonne comédie qui ne cherche rien de plus qu’à nous distraire le temps d’une soirée. Et cet objectif là est rempli haut la main. Que demande le peuple ?
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