Philip Seymour Hoffman, par exemple, fait se croiser dans un tourbillon délirant l’histoire de trois personnes, trois acteurs confrontés à leur image et leur identité. Au Japon, l’acteur Kyoshi Kou découvre dans une quizz télévisé une adolescente qui semble obsédé par lui, au point de connaitre des informations sur sa propre vie dont l’acteur ne se souvenait pas.
Pendant ce temps, Stéphane Olivier (véritable acteur de Transquinquennal), fait une expérience troublante lors d’une audition aux Etats-Unis, où l’équipe le prend pour Philip Seymour Hoffman. En rentrant chez lui, il réalise que tout son entourage le traite comme s’il était en effet l’acteur américain, et que Stéphane Olivier serait un rôle qui l’aurait englouti.
Finalement, le « vrai » Hoffman commence le tournage d’une saga
nanardesque, basée sur une histoire de bombe disparaissant dans la machine à rayon-x dans un aéroport, avant de se faire approcher par un groupe d’escrocs pour le coup du siècle : se faire passer pour mort, et se faire de l’argent sur la vente des images de synthèses dont le studio aurait besoin pour pouvoir continuer la saga…
« C’est un film du genre Philip Seymour Hoffman, quoi. Tout peut arriver. »
Qu’est-ce qui définit qui nous sommes ? Si ces trois figures se retrouvent chacune dans une crise identitaire qui lui est propre, les trois situations se définissent par l’importance de l’autre dans la négociation de son identité. Ce que l’on considère souvent comme une entité intérieure est finalement le fruit de tensions constantes avec son entourage, l’image que l’on projette, les relations que l’on tisse, au point que l’extérieur peut dès fois venir troubler ce qui semblait être une constante interne, cette identité à soi-même que l’on prenait comme acquis.
Stéphane Olivier, face à ses proches qui le traitent tous comme si « Stéphane Olivier » n’était qu’un personnage qu’il jouait, dans lequel le vrai lui, Philip – à en croire ses amis et sa femme- se serait perdu. Et Stéphane en arrive presque à les croire, tellement sa croyance en sa propre identité est ébranlée par les personnes qui l’entoure. De même, Kyoshi est ébranlé quand il se retrouve confronté à une personne extérieure qui semble le connaitre mieux qu’il ne se connait lui-même.
La pièce joue de cette question de l’authenticité, brouillant les pistes entre les différents niveaux de fictions en jeu sur scène. Que se passe-t- il quand un acteur qui joue son propre rôle côtoie un autre qui représente un personnage qui existe « vraiment », entouré d’autres personnages qui ont été créés spécialement pour la pièce ? Quel est le plus « vrai » de ces personnages, ne sont-ils pas tous des créations, des fictions que nous nous créons pour nous-mêmes, et que d’autres créent sur nous ?
Philip Seymour Hoffman est ainsi invoqué avec une tendresse désinvolte par Transquinquenal et Spregelburd dans cette fable en forme de mosaïque. L’acteur considéré comme l’un des plus grand de sa génération, qui enchainait les rôles dans des films médiocres et se comportait à l’inverse des attentes de la star-system. Tragique et hilarante, la vie et l’œuvre d’Hoffman est à l’image de cette pièce, qui offre aux cinq comédiens du collectif l’occasion de montrer leurs talents tant comiques que tragiques.
Et qui sait, peut-être que Philip Seymour Hoffman a vraiment été jouer le père noël pour
un enfant cancéreux, et qu’il vit en ce moment à Bruxelles, profitant de l’argent généré par ses films en se la coulant douce, sous le doux soleil Belge, par exemple…