Le théâtre du Boson qui reprend actuellement « The Wilde Party » n’usurpe pas son surnom de théâtre de l’intime. De petite taille (40place), il permet une proximité rare avec les comédiens. Mais un tel dispositif pousse l’équipe de création à travailler en finesse, en intériorité, parfois à voix basse, plutôt qu’en apparence, laissant au spectateur la possibilité de saisir les moindres détails du jeu.
Rencontre avec son fondateur et directeur artistique Bruno Emsens.
Physicien de formation, Bruno Emsens a travaillé pendant un an au CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire), un laboratoire européen situé à cheval sur la Suisse et la France. Chercheur en physique des particules, il s’est retrouvé au milieu de 5.000 autres chercheurs, « 5.000 professeurs Tournesol », sourit-il.
Mais avant d’arriver à la physique, Bruno Emsens a parcouru un long chemin. Passionné par le cinéma et le théâtre, à 18 ans il part pour les États-Unis ou pendant un an il suit les cours d’une université « Fine arts » (beaux-arts). De retour en Belgique, il poursuit des études scientifiques à l’ULB et l’UCL. « Je ne comprenais rien de ce qui était écrit au tableau, dit-il, mais j’étais fasciné par la poésie des signes mathématiques, l’imaginaire, l’espace. » Son professeur lui propose de rejoindre le CERN, la Mecque des physiciens. Mais il est plus attiré par la nature humaine que par la nature inanimée.
Aussi, après cette expérience scientifique et la pause que lui impose l’obligation de faire son service militaire, il entre dans le monde du cinéma. Entre 1993 et 2008, il réalise des courts-métrages souvent primés et un documentaire (sous un pseudonyme) intitulé « Chercheurs entre rêve et réalité » qui aborde notamment le fameux boson de Higgs. « C’était deux ans avant l’attribution du Prix Nobel au Belge François Englert, souligne le physicien, donc il n’y a pas eu d’impact. » Il continue à faire son trou. « J’ai eu un début de vie en toute innocence, explique-t-il, l’art et la création sont là depuis tout le temps. La physique est venue en parallèle mais c’est une partie de ma vie, ce n’est pas la science qui m’a construit le plus. »
Alors lui vient l’idée de créer un théâtre.
En quelque dix films il a éprouvé beaucoup de plaisir à travailler avec les acteurs. Mais la caméra laisse trop peu de temps pour travailler en profondeur avec les acteurs ce qui suscité chez lui une certaine frustration. Il ouvre alors la Brussels Playhouse dans le quartier universitaire de l’ULB, un lieu dédié aux acteurs et au jeu. « C’était un atelier pour améliorer notre artisanat, ajoute Bruno Emsens, les musiciens font des gammes mais il n’y a rien pour les acteurs. » Il y accueille notamment des laboratoires et des matersclasses avec l’acteur et metteur en scène américain Larry Silverberg avec qui il fonde le True Acting Institute Europe, antenne européenne de l’institut américain dédié à l’approche Standford Meisner du jeu. Cette méthode proche de celle de l’Actor’s Studio se situe dans la même veine que celle de Constantin Stanislavski, mais plus dans l’imagination. « Meisner a développé une technique plus organique, plus humaine, explique-t-il. L’humanité de l’approche du jeu d’acteur permet de créer un climat de confiance avec les acteurs. »
Bruno Emsens présente l’examen d’entrée à l’Insas (Institut national supérieur des arts du spectacle et techniques de diffusion) où il est recalé, ce qui n’a rien d’infamant tant le nombre de candidats est élevé chaque année. Il travaille comme assistant sur des publicités, des courts-métrages, il écrit son premier court-métrage et réalise un film en 35 mm.
Mais au cinéma comme au théâtre, le financement des œuvres pose toujours problème. « Quinze ans dans le cinéma ne m’ont pas enrichi », regrette-t-il. Aussi lorsqu’il ouvre le Boson en 2012, il met en place un montage financier et immobilier en louant les étages pour disposer des premiers fonds, le reste est financé sur fonds propres. Mais cela reste un peu court sur la distance. « Avec une salle de 40 places, il n’est pas possible de faire payer l’entrée 50 euros, explique-t-il, alors qu’il faut payer deux acteurs et un régisseur ».
Le théâtre a donc besoin d’argent public mais ne dispose actuellement que d’une aide de la commune d’Ixelles qui se monte à 2-3.000 euros par alors alors que la Cocof apporte son soutien aux résidences d’artistes. Bruno Emsens ne veut pas en effet que les artistes paient pour ces résidences. Il a rentré un dossier concernant le théâtre et la compagnie (Les Bosons) auprès de la ministre de la Culture de l’époque Alda Greoli mais sans résultat. Or il faudrait 60.000 euros sur la saison pour faire fonctionner le Boson. C’est une petite structure et l’argent va aux artistes, ils sont payés lors des répétitions et lorsque la pièce fonctionne à la recette, 90% du montant de la caisse leur revient.
Cette année, le Boson propose une vraie saison alors qu’auparavant il ouvrait ses portes deux à trois fois par an. « Nous voulons nous profiler d’une manière claire, unique et indispensable dans l’espace culturel, ajoute-t-il. J’entends souvent les artistes me dire : il n’y a que chez toi que l’on peut faire cela, il s’agit donc d’une place nécessaire pour les artistes. » Sur le plan artistique, il souhaite que le lieu qui a accueilli douze résidences l’an passé soit foisonnant. Il souhaite également que « d’ici deux à trois ans, la jeune création puisse venir montrer leur premier spectacle devant un vrai public ».
Le Boson, Chaussée de Boondael, 361 à 1050 Bruxelles, 0471.32.86.87, www.leboson.be.
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