The Show
« Ce que vous ne savez pas, ne vous fait pas mal… »
Qu’est-ce qui nous rend finalement insensible à l’actualité ? Comment fonctionne notre rapport à la compassion ? Qu’est-ce qui nous fait, parfois, mettre des œillères ? Et pourquoi nous sentons-nous parfois « comme des grenouilles dans l’eau bouillante » ?
Ce sont quelques-unes des questions sur lesquelles a planché le collectif de circassiens Petri Dish. Partant d’une exploration dans les camps de rééducation politique de Corée du Nord, et remontant les mécanismes de propagande étatique, ce collectif interroge notamment l’indifférence de la population sud-coréenne.
Implacable, politique et dure, cette nouvelle création de Petri Dish ? Pas sûr… Comme avec Valhalla, leur précédent spectacle créé au Poche et nommé au Prix du Théâtre, la compagnie y va au comique et au burlesque. « Nous prendrons soin d’y mettre de joyeux emballages pour amener le public à se sentir léger et insouciant » nous promet-elle.
Sur scène : une acrobate aérienne, un vieux chanteur, une comédienne… autour de la metteuse en scène Anna Nilson. Anna est suédoise, très liée à la Corée du Sud et habite en Belgique. Elle est une femme du monde à qui le nomadisme donne probablement la légitimité nécessaire à aborder la question de l’empathie, par la prise de témoignages sur le terrain.
Vendredi 28 janvier 2022,
par
Catherine Sokolowski
How to be happy ?
« The Show » analyse notre réaction face au malheur : « Amusez-vous en nous regardant faire de l’art avec la misère ! ». Que ressentons-nous en constatant la souffrance d’autrui ? « La compassion est un boost pour l’égo ». Autant dire que les comédiens circassiens ne ménagent pas les spectateurs. Après avoir brièvement évoqué le statut de la femme à travers les temps, l’extermination dans les camps de concentration, c’est la politique de la Corée du Nord qui est décortiquée, gaiement et sans complexe. Pour se voiler la face, tous les moyens sont bons. Faut-il rire ou pleurer de cette avalanche d’attaques aux droits de l’homme ? Un spectacle original, polyglotte, qui ne fera pas l’unanimité.
La représentation débute par une conférence sur les meilleurs moyens de protéger son bonheur personnel. Himmler aurait dû s’interroger sur "les choses horribles qu’il faisait aux gens dans les camps". Sa vision portait plutôt sur les choses horribles auxquelles il était soumis en travaillant. Tout est une question de point de vue, il faut se protéger.
L’analyse rationnelle est cependant rapidement abandonnée au profit d’un délire collectif, burlesque et absurde. La majeure partie du spectacle proposé par le collectif de circassiens Petri Dish porte sur la Corée du Nord. Tout en décrivant les horreurs perpétrées par le régime coréen, le trio d’artistes dévoile son art, comme si leurs mouvements habiles pouvaient faire oublier la tragédie des mots.
Mis en scène par Anna Nilson, certains pourront se laisser entraîner par le côté léger de ce spectacle, d’autres pourraient être choqués par l’opposition entre les drames évoqués et la manière dont ils sont traités. Difficile en tout cas de rester insensible. Parfois le bruit des déplacements couvre les textes, pourtant si dramatiques. Que penser de cet enrobage particulier ? A tout le moins, qu’il est novateur. Saluons le talent des artistes polymorphes qui chantent, se démènent et déclament simultanément. Pour le reste, à chacun de juger.