Un père absent depuis cinq ans tente de renouer les liens avec sa fille et son fils. Injustement condamné à quinze ans de prison, il a sacrifié son mariage pour permettre à son épouse de reconstruire une famille. Sur le point de subir une opération, il emmène ses enfants au cœur de la forêt le temps d’un weekend. Dans ce cadre sauvage, les non-dits, les peurs et les rancœurs jouent des tours inquiétants.
Pour Giorgio Serafini, venu ce samedi présenter son film au public bruxellois, c’était un retour au pays. Né en Belgique de parents italiens, il a vécu les vingt-trois premières années de sa vie à Bruxelles et a étudié les relations internationales à l’ULB. Il évoque avec plaisir son adolescence dans les salles de la Cinémathèque qu’il considère comme la meilleure école de cinéma et dont il n’a jamais cessé de vanter la collection de films muets, une des plus riches au monde.
Depuis toujours fasciné par le cinéma, il a neuf ans à peine lorsqu’il codirige deux courts métrages en Super 8. Son premier film semi-professionnel The Nickelodeon Type , un film tourné en 16mm, projette les visions d’un homme qui est persuadé d’avoir tué sa femme.
Serafini part ensuite pour Rome en compagnie de sa première épouse, France Demoulin. A Berlin, il tourne Blu Notte , un thriller qui met en scène des anti-communistes, quelques mois après la chute du mur. Bien reçu, le film est sélectionné pour la semaine de la critique au festival de Venise de 1992. Ce succès lui vaut d’être envoyé à Los Angeles par son producteur Massimo Civilotti pour y terminer le film Loveblind . La société productrice doit faire face à des problèmes financiers. Serafini accepte des emplois temporaires pour survivre et décide de rester aux États-Unis où il vit toujours avec sa seconde femme LaDon Drummond et leur fils Johnny Sinclair.
C’est la lecture d’un livre de Gaetano Tumiati, Prisonniers au Texas , qui fut le tremplin de sa renommée. Serafini et Nicole La Bouverie, productrice belge, décident d’en tirer un documentaire Les murs de sable . Dix ans plus tard en 2001, Serafini en fera un long métrage The Good War , l’histoire d’un commandant US face au dilemme des prisonniers de guerre fascistes qu’il est censé punir dans le camp de concentration de Hereford durant la seconde guerre mondiale. Le film est favorablement accueilli par la critique et Serafini part à Rome où il se voit confier la direction de la série italienne la plus populaire de la décennie Orgueil . De retour aux USA, il est appelé par les producteurs de Game of Death . Il se consacre ensuite à un projet qui lui tient à cœur depuis 10 ans, Johnny’s Gone avec son propre fils et son épouse dans le rôle d’une femme qui a kidnappé un enfant et cherche un endroit pour commencer une nouvelle vie. Ce road movie inspiré par le décès accidentel de sa fille - dans des circonstances totalement différentes de celles de ses films, a précisé le réalisateur - présente les mêmes qualités que The Between : une photographie époustouflante, des paysages grandioses choisis avec soin. A la question : reviendrez-vous tourner en Belgique ?, Serafini a répondu que ce n’est pas exclu mais les grands espaces américains offrent une liberté de tournage beaucoup plus grande et à moindre coût qu’en Belgique.
Monté comme un thriller, The Between oscille entre rêve, conte et drame tangible. Le film a reçu un accueil mitigé de la part du public chahuteur du BIFFF. Giorgio Serafini, manifestement déçu, a confié que s’il disposait d’un budget important, il ne réaliserait pas un film personnel mais un film avec des actions extraordinaires. Film indépendant conçu avec un budget avoisinant les deux millions de dollars, The Betweeen est emprunt d’un mysticisme dont les allégories ne réussissent pas toujours à nourrir l’action mais qui donne une profondeur au caractère du protagoniste tourmenté par les forces du bien et du mal. On y sent la touche féminine de LaDon Drummond. Le jeu des acteurs, irréprochable, la talentueuse Isabelle Fuhrman, et les retournements de situations valent largement le déplacement.
Palmina DI MEO