Avec l’argent de la vente du tracteur, ils prennent un appartement. C’est beau, c’est tellement beau, c’est incroyable qu’ils soient là, se disent-ils, heureux. Mais peu à peu, ils sont bien obligés de se rendre compte qu’ils ne sont pas vraiment là. La ville n’a ni place ni pitié pour ceux qui ne sont pas ses enfants. Tel à un monstre insatiable, le frère et la sœur offrent leurs espoirs, leur énergie et finalement lui son sang et elle son corps.
Mais ça ne suffit pas à calmer la bête, la ville les avale, les mâche et ce n’est que lorsqu’elle a sucé tout ce qu’il y avait à sucer en eux qu’elle les recrache. Brisés, ils s’en retournent chez eux. Trop tard, la ville a étendu ses tentacules et le béton recouvre désormais les champs.
« Terres Mortes » est un texte fort, violent. Au Marni, l’écriture sèche et concrète de l’Allemand Franz Xaver Kroetz est adaptée et portée à la scène par Alex Lorette et Léonore Frenois. Deux acteurs fabuleux qui, avec une justesse rare, parviennent à rendre compte de la fragilité de ces enfants de paysans pour témoigner de la problématique de l’exode rurale. Déracinés, seuls, ils recouvrent peu à peu le plateau de terre, afin d’y planter de quoi survivre. L’image est belle et semble faire la jonction entre le titre de l’œuvre en allemand et sa traduction en français : Les paysans meurent - Terres Mortes. Car sur la terre étalée dans l’appartement, des grains de maïs sortis d’une conserve, rien ne poussera.
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