"On n’a rien en commun si TU le veux." La réplique résonne étrangement fort dans la bouche de la vénérable Joséphine. Sauf que Joséphine n’est pas vénérable, ni même vieille : elle chante, danse, crie et jure comme un charretier. Elle est aussi pleine de vie qu’Adam et Chawki, les deux jeunes loups à qui elle donne la réplique, aussi pleine de frustrations et de revendications au sujet de son quartier, son territoire, son royaume.
Ce dialogue improbable entre trois vies parallèles qui se partagent ce mouchoir de poche en voie de disparition qu’est Saint-Josse accomplit le petit miracle d’éviter tous les écueils au tournant desquels on l’attendait : belge sans être hermétique, lucide mais pas pessimiste, humaine sans mélo, Romain David et ses trois bijoux de comédiens nous offrent, plutôt qu’une plongée, une joyeuse entrée au coeur de "leur" commune.
Comme une balle de flipper, le propos fonce, rebondit, change de trajectoire, feinte et roule des mécaniques, conscient que trois petites voix vouées à finir dans la gueule béante de l’oubli collectif ne peuvent pas grand-chose contre une machinerie entière, mais néanmoins bien déterminé à nous secouer pendant cet unique tour de piste.
Portée par une mise en scène délicate et poétique, la petite histoire de ces trois quidams qui voient leur quartier se faire manger tout cru raconte la grande histoire, universelle, du malaise qui s’installe quand la vie déserte les quartiers populaires pour les transformer en no man’s land et que les tribus se retrouvent sur le trottoir et sans territoire. On a tous besoin d’être quelque part.
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