Tableau d’une exécution

Bruxelles | Théâtre | Théâtre de Poche

Dates
Du 9 au 27 mai 2017
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre de Poche
Chemin du Gymnase, 1 A 1000 Bruxelles
Contact
http://www.poche.be
reservation@poche.be
+32 2 649 17 27

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Tableau d’une exécution

« JE ME MÉFIE DE LA BEAUTÉ, C’EST UNE INVENTION ET UN MENSONGE. »
Galactica
Tableau d’une Exécution relate le conflit qui oppose la grande artiste peintre Galactia à ses mécènes, en place à Venise en 1571, à propos de la conception d’un tableau de la plus haute importance. En effet, au lendemain de la bataille de Lépante,
Galactia se voit confier par le Doge la réalisation d’une fresque de trente mètres célébrant la victoire des Vénitiens catholiques sur les Turcs musulmans.
Cette fresque représentera la bataille dans le cœur du peuple, elle devra être, dit le Doge, « ce qui reste ». L’enjeu est majeur !
Galactia accepte la commande et convoque les combattants mutilés comme modèles,
pour être au plus près de la chair, des corps, des cris, de la douleur et de la vérité.
Une lutte implacable s’engage alors entre le Doge, représentant de la République, et cette artiste intransigeante et libre. Il veut faire de cette oeuvre la gloire de
Venise. Son message est politique, il l’a bien précisé lors de la commande, tandis qu’elle s’acharne à ne lui servir que le bruit des hommes hachés menu…
Tableau d’une Exécution pourrait être une fresque shakespearienne sur la frontière entre l’image et le réel, ou une aventure épique qui voit la bataille surgir du tableau et envahir la scène. Mais c’est aussi et surtout l’histoire d’une femme qui livre un combat pour la liberté.

Distribution

De Howard Barker/ Traduction : Jean-Michel Déprats / Mise en scène : Emmanuel Dekoninck, assisté de Alexandre Drouet / Avec : Véronique Dumont, Itsik Elbaz, Bruno Mullenaerts, Emilie Guillaume, Laurent Bonnet, Denis Carpentier, Gaël Soudron et Myriem Akheddiou / Scénographie : Renata Gorka

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5 Messages

  • Tableau d’une exécution

    Le 15 mai 2017 à 11:25 par Aurelia

    Superbe scénographie impressionnante astucieuse, magique, pas étonnante pour ce génie d’Emmanuel Dekoninck qui nous emmène toujours dans des univers fantasmagoriques. Les comédiens sont excellents. Le sujet brûlant d’actualité. Texte peu trop "verbeux" à mon goût, l’actrice principal qui vit son jeu superbement, authentiquement, passionnément, en perd cependant parfois son articulation, les mots sont parfois mâchés. Il y avait quelques"longueurs" , l’impression que cela tourne en rond parfois. En résumé, j’ai adoré mais j’aurais aimé que le texte "avance" davantage, ce n’est que mon avis personnel et le travail des comédiens, du metteur en scène et de toute l’équipe fût formidable ! La longueur couplée à l’inconfort des sièges du Théâtre de Poche que j’affectionne pourtant particulièrement rendaient la concentration plus pénible.Mais pourquoi bon Dieu les théâtres s’obstinent-ils à lésiner sur le confort de notre assises ? "Pour tenir le public en éveil" diront certains. Mouais, ça me donne plutôt envie de partir avant la fin. pour ma part et celles de mes voisins. Réfléchissez-y ! ;-) )) Merci ! Ceci dit, bravo à tous ! ;-)))

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  • Tableau d’une exécution

    Le 15 mai 2017 à 11:44 par Doctora

    L’intrigue, qui se situe à Venise au 16ème siècle, pose cependant des questions tout à fait d’actualité, telles que le rapport entre l’art et la politique, l’image et la réalité, l’artiste et la critique, l’artiste et ses rivaux, l’artiste et son commanditaire, et surtout la pièce met bien en évidence le fonctionnement de la communication artistique, depuis l’élaboration de l’œuvre, en passant par le scandale et le rejet, pour aboutir à la récupération culturelle. Le texte de Howard Barker est très intéressant, quoique un peu lourd. Les acteurs sont bien dans leur rôle, quoique trop exaltés en permanence : j’aurais mieux apprécié leur colère si elle se déclenchait à certains moments sur un fond plus calme. La scénographie est remarquable : un énorme miroir placé de biais permet de voir les acteurs à la fois sur la scène et dans ce qui deviendra le "tableau". On a parfois l’impression que les personnages sortent du tableau pour s’animer sur la scène, notamment au moment de la bataille, magnifiquement chorégraphiée. En conclusion, ce spectacle du Théâtre de Poche mérite d’être vu !

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Lundi 15 mai 2017, par Jean Campion

L’Image, un enjeu de taille

7 octobre 1571, au large de Lépante (en Grèce), les forces catholiques de la sainte Ligue (Venise, Espagne, Saint-Siège) écrasent la flotte turque et donnent un coup d’arrêt à l’expansionnisme ottoman. Dans "Tableau d’une exécution" (1984), Howard Barker, peintre et dramaturge, imagine l’exploitation picturale de cette victoire retentissante. Pour célébrer la gloire de Venise, le doge Urgentino, grand admirateur de la peinture de Galactia, lui commande une fresque monumentale. Femme libre, éprise de vérité, celle-ci refuse d’exalter la bataille. C’est la guerre dans toute sa cruauté, avec des chairs mortes et des corps à vif, qu’elle veut représenter. Ce duel amène une confrontation de regards sur les enjeux de la création artistique.

Sensuelle, Galactia aime s’éclater avec son jeune amant, mais déteste sa peinture académique. Carpeta multiplie les "Jésus avec ses ouailles". Des toiles mièvres à l’opposé da sa bataille de Lépante : "Tous ceux qui la regarderont tressailliront de douleur à l’idée qu’une flèche pourrait jaillir de la toile et leur crever l’oeil." Quand Prodo, un survivant, cherche à lui vendre sa tête traversée d’une flèche et ses atroces blessures, elle le dissuade de jouer les animaux de foire. Il ne doit pas fuir son cauchemar, en trichant avec la vérité. Même intransigeance dans son refus de suivre les conseils de sa fille : elle ne se montrera pas diplomate avec son mécène. Pourtant le doge considère qu’il a un droit de regard sur ce tableau. C’est un investissement de l’Etat qui impose des contraintes.

Urgentino trouve que son frère, l’amiral, n’est pas assez imposant. Galactia accepte d’augmenter sa taille sur la toile, mais confirme son impassibilité devant la boucherie. L’amiral lui reproche son parti pris. Pourquoi ignore-t-elle le courage de ses soldats ? Il finira cependant par admettre qu’en le représentant, elle a débusqué sa vraie personnalité. Soutenu par Rivera, une intellectuelle imbue de son savoir, le doge critique de plus en plus vertement la dérive. Cette fresque crue et sanglante bafoue l’héroïsme des Vénitiens. Le cardinal Ostensible estime que l’Eglise est trahie par l’oeuvre "maligne" de cette femme perverse : elle mérite une peine de prison. "Courte", nuance Urgentino, tiraillé entre sa rancoeur et son adhésion à "une peinture qui sent la sueur". Il se félicitera plus tard de sa modération, souvent plus efficace qu’une sévérité impitoyable.

Le metteur en scène Emmanuel Dekoninck et la scénographe Renata Gorka ne nous montrent pas "la Bataille de Lépante". Ils préfèrent nous plonger au coeur de son élaboration. Grâce à un immense miroir, incliné à 45%, ils mêlent projections d’horreurs et reflets de situations au sol. Galactia manipulant un figurant s’incruste dans la toile. Technique sophistiquée qui stimule notre imagination. Traduits par Jean-Michel Déprats, les dialogues d’Howard Barker donnent beaucoup d’âpreté aux affrontements. Philippe Résimont incarne un doge énergique et subtil. Politicien habile et cynique, il est déterminé à remporter son bras de fer avec cette femme qui le défie. Mais elle l’impressionne par sa sincérité et le fascine par sa peinture. Tout aussi complexe, Galactia trouve en Véronique Dumont une interprète idéale. Enthousiaste, obstinée, fébrile, elle tâtonne pour trouver la composition idéale, elle cherche "un rouge qui pue", pour souligner l’image sanglante de cette hécatombe. On la croit, quand elle s’écrie : "Chez moi, c’est le ventre qui parle." Cette femme athée, provocante, insoumise, à l’humour sarcastique reste attachante. Sa vitalité électrise la scène. Lorsqu’elle entre dans l’ombre, la représentation perd de son intensité.

Ce drame aux accents shakespeariens, qui nous tient en haleine, est aussi une fable sur le pouvoir de l’image et la situation inconfortable de l’artiste. La critique Rivera reconnaît : "J’essaie d’avoir l’air gentil, mais mon art est celui de l’assassinat." Femme dans un monde d’hommes, Galactia est révoltée par tout ce sang versé et combat l’indifférence. Sans intention politique. Ce sont les pressions et la censure qui la transforment en militante. Persuadé que l’image, se substituant au réel, impose sa vérité à la postérité, le doge refuse de montrer au public ce tableau, qui salit la victoire des Vénitiens. Puis il se ravise. On peut l’exposer en pleine lumière si on le désarme par des interprétations insidieuses et des commentaires officiels. "Exécution" désigne aussi bien la réalisation d’une oeuvre qu’une mise à mort.

Jean Campion

Théâtre de Poche