Dobbitt vient d’être muté dans une usine perdue au milieu du désert. Ce grand optimiste y voit une promotion et vient prendre avec joie sa place de « vérificateur » au sein de son nouveau département. C’est sans compter sur Hanrahan, son collègue et voisin de chambre, un misanthrope acariâtre qui décide immédiatement de lui pourrir la vie. Son supérieur hiérarchique, Merkin, ne fera rien pour arranger la situation, bien au contraire il s’amuse à souffler le chaud et le froid et à jeter de temps en temps de l’huile sur le feu. Et pendant que l’usine produit chaque jour ses « unités », au dehors une mystérieuse présence se rapproche toujours un peu plus des palissades.
Qu’importe ce que font vraiment ces « vérificateurs », tout comme ce qu’ils ont à vérifier d’ailleurs, l’intérêt du récit est ailleurs : dans ses personnages, figures clownesques autant que tragiques et dans son univers, cruel et glacé, qui malgré son côté absurde rappelle furieusement un certain monde de l’entreprise bien réel. Tout cela est porté par l’écriture talentueuse de Richard Dresser, auteur américain ici traduit pour la première fois en Français. Son style marie parfaitement le drame à la comédie, l’inquiétant et le saugrenu, le ton caustique avec un certain accent loufoque.
Il y a là une belle matière à jeu dont les trois comédiens de la pièce ont su parfaitement s’emparer. Les deux vérificateurs, François Macherey et Jean-Philippe Salério, sont excellents, chacun dans leur style, en clowns tristes qui se déchirent tandis que leur supérieur, Olivier Cruveiller, est impeccable dans son rôle de tyran bipolaire. Les acteurs évoluent dans une mise en scène dépouillée mais au rythme accéléré qui convient à merveille.
On regrette un peu que ce rythme intense retombe à certains moments et que la pièce passe un peu plus dans le pathos sur la fin mais le propos reste toujours aussi vif et piquant. Et le plus beau dans ce huis-clos impitoyable c’est justement de nous faire aussi aimer ces personnages, malgré toutes leurs bassesses et leur désespérance. C’est avec regret qu’on doit les quitter lorsque la pièce se termine, tellement on s’y était attaché.
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