Nous sommes en 2120, dans un paysage d’après bouleversement où la nature semble avoir repris sa prédominance, deux femmes et deux hommes vivent dans une certaine harmonie, entre eux mais aussi avec leur environnement. Issus de différentes communautés et apparemment de différentes générations, Ils vivent avec les moyens du bord augmentés d’une bonne dose d’érudition scientifique, de spiritualité, de télépathie, d’astrologie et de boisson hallucinogène à base de vase fongique.
Leur passe-temps préféré consiste à visionner des images d’un film de science fiction apparemment tourné en 2020 et qui décrit un futur qui ne correspond pas à la réalité qui est la leur. En archéologues avertis, ils pointent les invraisemblances, tentent de situer ce qu’ils voient dans la chronologie du siècle écoulé. Ils se découvrent des ressemblances avec les personnages filmés comme si c’étaient leurs ancêtres qui occupent l’écran. Les séquences brutes, des rushes avant montage et incrustation d’effets spéciaux, comportent les artifices techniques propres au cinéma ce qui induit chez eux une interprétation biaisée.
La trame se précise par une incursion dans le passé (le présent du spectateur) détaillant les affres et les aléas de la création du film qui ne sera jamais réalisé. Dans cette discussion animée de l’équipe de tournage qui passe sans cesse du chaud au froid, les personnalités se révèlent au gré des tensions et des apaisements jusqu’à côtoyer l’absurde. La séquence permet aux cinq comédiens de sortir de leurs personnages de gens gentil qui essaient de vivre ensemble pour donner la pleine mesure de leur talent à camper des caractères bien trempés débordant d’énergie, et de malice.
Ce documentaire sur le futur s’enrichit également d’images de témoignages d’autres intervenants que ceux qui sont sur scène où l’on peut reconnaître Cathy Min Jung, Jasmina Douieb ou Émilie Maquest, notamment. Datant des années 2070-2090, ces propos nous apprennent ce qu’étaient nombre de choses aujourd’hui disparues : le théâtre, les livres, la douche, la propriété privée...
Pour écrire « Science-Fictions », Selma Alaoui s’est inspirée de l’univers plus que d’une œuvre précise d’Ursula K. Le Guin, romancière américaine qui propose une science-fiction humaniste teintée d’écoféminisme. L’écriture de plateau issue de la confrontation de l’écriture inspirée par les récits d’anticipation aux improvisations des comédiennes et comédiens achève de construire une pièce fictionnelle empreinte de poésie et d’utopie. « C’est un jeu » et manifestement cette espèce humaine désespérée a survécu signe que d’autres mondes sont possibles. Il faut s’en souvenir ou, à défaut, les inventer.
Didier Béclard
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