Scala
Remettre l’humain à sa place de vecteur et de canal comme tout autre objet, doté de raison ou pas, mouvant ou figé, car qui sommes-nous sinon des réceptacles d’infinies oscillations qui nous traversent et laissent en nous des empreintes que nous imprimons à notre tour sur le monde ? Quand Yoann Bourgeois s’intéresse au théâtre, ça donne quelque chose d’assez inattendu sur le plan de la forme, pas du fond, car un comédien, comme un acrobate, sont tous deux des prolongements d’une histoire. La surprise concerne donc bien la forme que prend une œuvre théâtrale conçue par un artiste de cirque, puisque la notion de théâtralité se redéfinit alors sous un angle radicalement physique.
L’homme traversé, davantage vecteur qu’acteur, témoigne d’une fragilité voulue par un Yoann Bourgeois acrobate, acteur, metteur en scène, danseur, mais surtout joueur. C’est de l’homme qu’il se joue en lui retirant sa toute-puissance et en confrontant corps et force. Scala est un foyer où se côtoient plusieurs sens, la chorégraphie vient sculpter certains motifs physiques, la musique s’avance pour tracer des lignes sonores, et l’imagination investie dans la scénographie marque une vision cyclique de l’espace et du temps. C’est bien au monde de l’imaginaire que s’intéresse le spectacle dont la théâtralité singulière recycle les images premières et en suggère des projections inattendues.
Distribution
Conception et mise en scène Yoann Bourgeois. Collaboration artistique Yurie Tsugawa. Avec Mehdi Baki, Damien Droin, Nicolas Fayol, Emilien Janneteau, Zoé Leduc, Florence Peyrard, Lucas Struna. Lumières Jérémie Cusenier. Costumes Sigolène Petey. Son Antoine Garry. Conception et réalisation de machineries Yves Bouche Conseil scénographique Bénédicte Jolys. Production : Les Petites Heures Coproduction : Théâtre de Namur/ Théâtre Le Manège-Mons/Printemps des Comédiens –Montpellier/Théâtre National de Nice/Théâtre National de La Criée – Marseille/Théâtre des Célestins – Lyon/ CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble. Cette production est soutenue par le Tax Shelter du gouvernement fédéral belge.
Samedi 12 janvier 2019,
par
Yuri Didion
Un voyage poétique !
Un gars monte sur les planches. Un ? Il se multiplie vite ce type là ! Et ça commence comme un jeu. Suis-moi, je te fuis. Fuis-moi, je te suis. Des clowns qui ne s’annoncent pas, sans nez rouge et en uniforme et ce ballet acrobatique tire rapidement de francs éclat de rire à un public déjà bluffé par la stupéfiante maîtrise technique des artistes. Plus tard, les rires se taisent et laissent la place à l’inquiétude empathique. Magique !
Ce spectacle est une petite merveille qui réussit un tour de force incroyable : emporter le public dans une palette émotionnelle riche, nuancée et profonde, faire vivre un voyage poétique et tout ça, sans le moindre mot. Tout passe par le (ou les ?) corps. Car les danseurs effectuent un travail choral incroyable : pour peu, on parierait qu’ils ont synchronisé jusqu’à leur respiration, tant les mouvements de l’ensemble - et jamais ce nom n’a à ce point pris tout son sens - sont harmonieux et fluides.
Au centre de cette création, un escalier monumental s’impose et sépare la scène en deux espaces, deux plateformes qui dissimulent astucieusement tout un système de trappe et de passages. Mieux encore : de part et d’autre des degrés qui s’élèvent, deux trampolines offrent du ressort aux performeurs. Et de chutes en rebonds, ils créent une dynamique qui va monter jusqu’à la tension, entre l’un et le multiple.
"Scala" allie finalement merveilleusement les forces du théâtre et de la danse : histoire, fil dramatique, propos, poésie, rythme, musicalité du mouvement, tout se rejoint pour offrir un espace dans lequel le public est libre de projeter mille interprétations.
Théâtre de Namur
Place du Théâtre, 2
5000 Namur