"Quand j’arrive dans une pièce, je capte tout ce qui se passe." Son sens aigu de l’observation permet à Nathalie Penning de croquer une série de personnages ridicules par leur prétention, leur aveuglement ou leur médiocrité. Apprenant qu’elle est avocate, monsieur et madame de Sourcesûre lui imposent LEUR version des faits. Pour endiguer leurs élucubrations monstrueuses, une seule solution : inventer une rumeur encore plus folle. Marie-Christine, une bourgeoise du Brabant wallon, prisonnière du rang à tenir, vit dans le déni : pépère Hubert ne la trompe pas et ses deux fils sont promis à un bel avenir ! Parents séparés de Steevy, Pat et Annick s’envoient des mails à propos de la garde de leur fils. Des échanges qui reflètent leur mesquinerie et leur rancœur. Madame Vandenbosche trouve normal de vivre en permanence l’œil collé sur le judas de la porte d’entrée. Si elle ne fait pas la police, qui le fera ?
Grâce aux accents, aux mimiques, à la gestuelle, la comédienne rend vivants et drôles bien d’autres personnages, dont elle se plaît à préciser l’accoutrement. En s’acquittant de certaines tâches, l’avocate affronte des publics pénibles. Capter l’attention de la "famille Walibi" durant une visite guidée du palais de justice est une mission impossible. Le père n’a qu’une idée en tête : photographier les gamins dans la cage des "coupables". Dans le cadre des journées "Avocat à l’école", Nathalie Penning s’efforce d’éclairer des ados de Molenbeek sur le système judiciaire. Pour mieux les impliquer, elle leur propose des jeux de rôles qui débouchent sur une vision cauchemardesque de la justice. Sensibiliser des élèves sourds au métier d’avocat l’amène à aborder des problèmes sexuels, dans une langue des signes très pittoresque.
La comédienne rend ces scènes hilarantes, par son humour mordant. Mais son sens de la dérision la rend tout aussi caustique à son égard. Fidèle à sa devise : "Coucher, oui. Coucher pauvre, non.", elle erre, pendant deux ans, dans les couloirs de l’Ecole de commerce Solvay, à la recherche d’un mari. En toute honnêteté, elle avoue sa panique devant la folie ou la goujaterie de ses premiers clients pro deo. Elle se moque de sa robe "bleue comme ses yeux" et de ses petits tailleurs qui lui valent le surnom d’"Hôtesse Air Zaïre". Accro aux blagues téléphoniques, elle a failli payer cher un coup de fil très gênant.
Le show est balisé par de courts extraits d’"En cas de malheur", un film qui souligne l’hypocrisie du milieu, dans lequel triomphe un ténor du barreau. Nathalie Penning ridiculise aussi les conventions de la bourgeoisie. Mais son ironie ne l’empêche pas de respecter son métier et de s’y consacrer énergiquement. C’est une battante. Si elle regrette, avec une nostalgie impertinente, les constats d’adultère, elle bénit Facebook, qui lui offre des armes sur un plateau d’argent. Elle supporte mal qu’on remplace le palais de justice de Bruxelles, en ruine, par des bâtiments privés de fenêtres s’ouvrant sur l’extérieur : tout un symbole. Pas question de plaider pendant que son spectacle est à l’affiche. Il serait inconvenant de passer du nez rouge à la robe noire. L’image de l’avocat, sublimée par le cinéma et la télévision, l’agace. Elle veut humaniser une profession, qui lui fait ressentir les soucis et la détresse des gens. Pour échapper au désespoir, le rire est primordial.
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