Si des rumeurs sans fondement peuvent circuler aussi rapidement que n’importe quel virus, elles ont le pouvoir de détruire, que ce soit la crédibilité des citoyens dans les médias, la confiance dans les institutions mais aussi la vie de personnes qui en sont les victimes.
Déjà bien avant la crise du Corona, Michel Kacenelebogen avait envie de jouer le rôle d’un homme victime de rumeur, ayant lui-même fait l’objet de diverses allégations fausses. Il s’adresse à Thierry Janssen pour lui écrire un texte sur mesure. En pleine vague des revendications environnementales, Thierry Janssen imagine le personnage de Marcus Zingerman, un industriel qui s’enrichit en mettant sur le marché un carburant alternatif au pétrole. Mais le rêve se transforme en cauchemar quand on accuse la juteuse invention de causer des épidémies mortelles.
Condamné à la prison à vie, Zingerman clame son innocence avec pour seul résultat d’entretenir la rumeur. Seul, abandonné par sa famille, muré dans son silence, il est sollicité par une célèbre journaliste d’investigation pour participer à son émission de télévision... Toute la pièce se construit autour de cet affrontement entre la victime de la rumeur tentée par le challenge d’une possible réhabilitation et les exigences des médias. Une conciliation est-elle envisageable dans ce balai de manipulations ? Quelle est la ligne rouge à ne pas franchir ?
Dans une mise en scène épurée de Michel Kacenelebogen, les visites de la journaliste dans la cellule de Zingerman ont lieu sur une scène à 3 angles de vue surplombée d’un écran, rappelant un plateau télé. C’est le ring sur lequel la personnalité arrogante de Marcus Zingerman affronte Lisa Morin, une passionaria qui a ses propres convictions à défendre.
Beau duel d’acteurs entre Philippe Résimont et Bénédicte Chabot qui révèle des caractères complexes nourris de certitudes intimes de part et d‘autre. La tension est desserrée par des bribes de conversation avec la gardienne de prison, seul amarrage social de Zingerman, une personne sans jugement, au franc-parler et au quotidien très distant des débats médiatiques, admirablement interprétée ici par Aylin Yay. Mais une résilience semble se profiler dans la reconstruction de liens familiaux précédemment négligés...
Une pièce-débat d’actualité avec ses zones d’ombre. Des dialogues au rythme soutenus avec une bonne part d’humour sarcastique. On ne s’ennuie pas.
Palmina Di Meo
Photos © Gaël Maleux