Interactif
Et le spectateur, touché par la musique et le jeu sur le plateau, les ronds dans l’eau, de rebondir sur le champ et de partir lui-même à la recherche de ses harmonies. Viennent à l’esprit les premiers vers de "Correspondances" de Baudelaire,
" La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers."
Mais La première chose qui m’ait envahi le coeur est la musique de “The River of no return” la seconde, un inexplicable souvenir de :”Madison Bridge”, la troisième plongeait dans le fleuve Léthé celui de l’oubli où les âmes deviennent bienheureuses. Le bonheur retrouvé des études classiques, les rives où Orphée perd Eurydice.
Sur le plateau
Car par devant soi il y a des jeux de transparence et de lumière, comme pour visiter l’âme, les voiles de la mort, une armoire magique à double fond tapissée avec la robe d’une des femmes, des danseuses par trois, comme celles qui vous imposent un impossible choix et un vieil homme assis dans un fauteuil qui fait tourner une boîte à musique avec sa danseuse hypnotique.
Un chien, ce meilleur ami. Bien bien vivant, celui-là ! Ou non, c’est selon.
Demandez à la rivière. Les souvenirs de l’homme eux sont exposés, radiographiés, photographiés, filmés, pris sur le vif, agrandis... joués, mimés, symbolisés, dans des tableaux qui ne cessent de s’évanouir et de se renouveler. Cependant que l’homme est en proie à la litanie des choses de sa vie. Il tient les rênes, il ne lâche pas un fil. Tout y passe, de la moindre fourchette à poisson, au sécateur grippé ou la housse de couette à fleurs rapiécée. Une mémoire qui frise l’obsession. "Ma tante part en voyage avec... "
Cherchez l’intrus ! Il n’y en a pas. Sauf l’infinie solitude, la nostalgie, le temps en marche égrené par des musiques sublimes. Et la proche séparation d’avec sa maison qui a tout vu, tout en tendu, tout vécu. "Summertime", bonheur opiniâtre, pour réveiller l’été de l’âme, pour d’ultimes étreintes et se souvenir.
Aux pinceaux
La fresque poétique de l’A Dieu régie par Michèle Anne De Mey (Kiss and Cry) s’appuie sur ses huit piliers : les artistes qui fonctionnent comme un seul être, un organisme vivant qui résiste au temps et refuse de mourir. Les armes de la mise en scène : la présence, le verbe dépouillé, le corps et le mouvement exaltés. Notre espoir contre la perte et le noir complet. Une harmonie retrouvée ? Signée Charlotte Avias, Didier De Neck, Gaspard Pauwels, Fatou Traoré, Alexandre Trocki, Violette Wanty, Nino Wassmer, et Zaza le chien . Boris Cekevda, au mixage sons...
Echo
Et voici celle que j’aime, l’harmonie qui répond pour moi au spectacle, en écho lumineux :
"J’ai essayé, dit-il, de me faire une compagnie avec toutes les choses qui ne comptent pas d’habitude. Je vais vous paraître un peu fou et je dois être un peu fou. Je me suis fait doucement compagnie de tout ce qui accepte amitié. Je n’ai jamais rien demandé à personne parce que j’ai toujours peur qu’on accepte pas, et parce que je crains les affronts. Je ne suis rien, vous comprenez ?
Mais j’ai beaucoup demandé à des choses auxquelles on ne pense pas d’habitude, auxquelles on pense, demoiselle, quand vraiment on est tout seul. Je veux dire aux étoiles, par exemple, aux arbres, aux petites bêtes, à de toutes petites bêtes, si petites qu’elles peuvent se promener pendant des heures sur la pointe de mon doigt. Vous voyez ?
A des fleurs, à des pays avec tout ce qu’il y a dessus.
Enfin à tout, sauf aux autres hommes, parce qu’à la longue, quand on prend cette habitude de parler au reste du monde, on a une voix un tout petit peu incompréhensible."
Jean Giono, Que ma joie demeure.
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