Le premier abord est déroutant. Sur le plateau : une table, comme un plateau miniature, un amas d’objet soigneusement organisé, deux comédiens. Sur la table seront posés tous les objets utilisés dans la narration offerte par les deux comédiens, qui oscillent entre narrateurs, musiciens, et personnages.
Agnes Limbos et Gregory Houben, les interprètes et concepteurs de "Ressacs", enchaînent les tableaux vivants avec un tel plaisir qu’il est difficile de ne pas se laisser entraîner dans cet univers décalé. Sous les yeux émerveillés d’un public conquis, ils font vivre à leur personnage une série de situations désespérées sur un rythme joyeux : la perte de leur "beautiful house", le naufrage de leur vie occidentale, leurs tentatives pour reconstruire, récupérer, etc. Le tout est rythmé par l’apparition évocatrice des objets parfois incongrus, souvent surprenants, des musiques entêtantes, et quelques effets spéciaux pour épicer le tout.
Bien que rangé dans la catégorie jeune public, "Ressacs" aborde des thèmes complexes. De la crise des subprimes au (néo-)colonialisme, en passant par ce qui fonde notre identité, les artistes font preuve d’un regard très critique sur cette société où le bonheur dépend des possessions, où l’élévation dite "sociale" conditionne le bien-être personnel et nous rappellent que l’avidité mène à la ruine. Pourtant, le ton reste léger, humoristique, délicat. Un spectacle inventif et d’une grande qualité donc qui ravira les enfants et ravivera l’imagination des parents pour mieux les réunir dans un rire libératoire et spontané.
Un long discours ne saurait rendre hommage à ce travail incroyable, il vaut bien mieux courir voir "Ressacs" dès que vous en avez l’occasion.