Statistiques à l’appui, Jean-François souligne la prolifération actuelle de séparations et de divorces. Pas pour nous faire pleurer ! Avec jubilation, il exalte la liberté retrouvée : Oui à la rupture ! Il nous invite à conjuguer allègrement : je rupte, tu ruptes, nous ruptons... Jouant les rabat-joie, Lucie signale l’augmentation inquiétante de crimes passionnels. Sur un banc, Jean-François essaie de raisonner Lucie et de lui insuffler la force d’affronter l’éclatement de son couple. Peine perdue. Elle se noie dans ses sanglots. Alors le psychothérapeute se transforme en chirurgien imposant et effectue une opération délicate, avec la dextérité du ... Docteur Maboul.
La plupart des séquences marqueront le large fossé qui sépare l’Auguste rayonnant de la "clowne blanche". Pendant qu’elle se déchaîne contre son ex-mari, il chante "Les Feuilles mortes", en grattouillant sa mini-guitare. Un coup de fil de ce salaud de Guillaume la met en rage. Il exige la garde du chien et ose lui demander de déposer ses affaires chez sa mère. Une belle-doche qu’elle déteste ! Lucie est tiraillée entre des sursauts amoureux et des accès de haine. Parfois, saisie par la nostalgie, elle est prête à négliger les défauts d’un homme qu’elle a aimé. Parfois elle rêve de le narguer, alors qu’il crève, bouffé par les vers, dans le désert. Jean-François s’efforce de l’apaiser, en faisant appel à la chanson. La rupture a fait pleurer le téléphone de Claude François et inspiré des chefs-d’oeuvre à Jacques Brel. Argument balayé par Lucie : l’amour blessé a aussi poussé Dalida et Mike Brant au suicide. Lorsqu’elle prétend qu’il n’y a pas plus terrible drame que le sien, Jean-François tente de la contredire, en lui faisant deviner par le mime, les titres de récits mélodramatiques célèbres. Fiasco complet : elle ne reconnaît même pas Bambi.
Ces affrontements, vécus sur un rythme alerte, sont très amusants. D’autres scènes malheureusement n’ont pas la même vivacité. Le film sur l’homme "jouissant de sa solitude" dans la forêt enneigée est trop long. Tout comme la scène où Jean-François devient un grand singe. Cet éloge de l’infidélité fait rire par son audace et puis se met à piétiner. Emportés par leur imagination, les comédiens se retrouvent dans un western. La parodie les passionne : ils jouent aux cow-boys, sans plus se soucier des peines de coeur.
Le programme du spectacle recommande la lecture de "La Rupture amoureuse" (Lisa Letesser, 2014). Cet ouvrage thérapeutique, sur les retombées de ce "tsunami émotionnel" qu’est la rupture, a certainement aidé les auteurs à écrire "Replay". Cependant leur pièce vise avant tout à nous amuser, par des variations cocasses sur ce sujet dramatique. Gaël Soudron mène le jeu avec beaucoup de punch. Aussi à l’aise en conseiller lucide qu’en chantre de la solitude ou de la rupture. Dans le rôle d’une femme prisonnière de son deuil, Valentine Lapière a moins de cordes à son arc. Elle libère beaucoup d’énergie dans ses défoulements et ses vengeances fantasmées. "Replay" mise sur le comique et même sur la loufoquerie. La dernière scène nous touche par sa sensibilité. Une bonne surprise.
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