Tout commence par une simple « expérience sociale ». Onze étrangers s’invitent à l’improviste chez Régis, électricien de son état, pour le tirer de sa solitude. Évidemment, l’expérience est filmée, documentée, caméra au poing. Ce que le Canine Collectif nous présente, ce soir-là, n’est rien d’autre que la plus honnête reconstitution des faits. Par bien des points, Régis rappelle les « found-footages », ce sous-genre de l’horreur qui connut ses heures de gloire dans le cinéma du début à la moitié des années 2000, avec des films comme « The Blair Witch Project » ou « Paranormal Activity ». Les comédiens sont drôles, jeunes et dynamiques. Tous s’adressent au public sans détours, avec des sourires plein de sympathie. Pourtant, à travers les mots « expérience », « filmé », ou « reconstitution », un lien se crée dans l’inconscient du spectateur. Le sous-ton est donné : les sourires, les boutades et la bonhomie ne sont-ils que le deuxième visage d’une réalité moins mielleuse ?
Régis teste sans cesse, dans un équilibre précaire, les limites du genre. Mené de bout en bout avec un humour mordant, le spectacle est une succession d’émotions brutes et fortes dans une relation à onze contre un, en accéléré. Le décors, pourtant simple et minimaliste est amplifié par un usage percutant des projections vidéo, effets de fumée et de déconstruction. Le spectacle semble ainsi passer à la loupe les émotions dans un enchaînement d’événements qui tournent vite à l’absurde. Si ces situations invraisemblables prêtent à rire, Régis tire dans notre cerveau un fil qui chatouille. Un fil directement relié à une réalité effrayante et palpable.
En faisant s’entremêler différents niveaux de lecture, Régis interroge le rapport de l’individu face à la foule et les frontières de l’intimité au sens large. Le nombre impressionnant de comédiens sur scène, leurs actions individuelles comme collectives mais aussi le choix d’un contexte volontairement abstrait donnent au spectacle des reflets multiples. Alors qu’il entraîne le spectateur par le rire, Régis le mène ensuite, sans avoir l’air d’y toucher, vers des réflexions plus personnelles. Le spectacle nous livre ici un canevas abstrait, nous laissant libre d’y apposer le visage que nous souhaitons y voir.
Tout jeune création du Canine Collectif, Régis tient, pendant une heure, le spectateur sur un fil. Une pièce qui, l’air de rien, fera glisser, au milieu de nombreux fou-rires, un frisson le long de votre colonne vertébrale.
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