L’adaptation du scénario de Cassavetes par Xavier Mailleux réussit le pari de garder intacte la progression de l’intrigue cinématographique. Réflexion sur la nature du métier d’acteur, sur la création et sur la valeur de la vie, la trame suit la double lutte de Myrtle Gordon, une actrice que le hasard de sa profession met brusquement face à la réalité de son âge, de la vie et de la mort. Le succès et le glamour occultent les questions profondes qui ne peuvent être abordées de front. Mais lorsque la fiction rattrape la réalité, lorsque les frontières entre le rêve et la réalité se brouillent, la scène n’est plus un lieu de plaisir mais une arène où il faut accoucher de la douleur. C’est aussi le lieu où l’on réclame, avec le plus d’éclats, l’amour et la compréhension des autres.
Par une redéfinition des espaces dramaturgiques, la mise en scène de Freddy Sicx laisse progressivement affleurer l’angoisse qui étouffe l’énergie de la comédienne qui se voit reléguée au second plan. Les fantômes intérieurs et le poids de la solitude hantent un écran placé en toile de fond, mais c’est sur la scène que Myrtle Gordon se bat de tout son corps contre la fiction qui pour la première fois de sa vie l’agresse, contre le jugement du public et contre les reproches qui fusent en coulisses.
En fin de compte, ne sommes-nous pas tous des acteurs ? Et la vie n’est-elle pas un jeu, cruel et plein de surprises à la fois ? La crise existentialiste de Myrtle Gordon est universelle. Cassavetes invite à vivre pleinement tout instant d’amour et de joie en évitant de s’identifier à des modèles souvent trop réducteurs. L’appropriation du texte par des acteurs autres que ceux du « clan Cassavetes » donne une couleur nouvelle à un scénario que l’on retrouve avec plaisir. La distribution théâtrale ne cherche pas à occulter la nostalgie du grand cinéaste. Elle en joue plutôt en accentuant la ressemblance physique avec les personnages du film.
Palmina Di Meo