Rage dedans

Namur | Théâtre | Théâtre Jardin-Passion

Dates
Du 8 au 12 novembre 2022
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Jardin-Passion
r. Marie-Henriette, 39 5000 Namur
Contact
http://www.theatrejardinpassion.be
info@theatrejardinpassion.be
+32 472 96 53 16

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Rage dedans

Après une série de solos joués aux quatre coins du monde (« Faut y aller », « En toute inquiétude », « Six pieds sur terre »), Jean-Luc Piraux poursuit et approfondit son exploration tragicomique de nos existences avec ce spectacle qui, comme les autres, est une véritable pépite.

Avec « Rage dedans », il explore comme jamais ses propres ombres, pour mieux nous éclairer. Le rire naît à mains nues et à taille humaine, par un art pudique du décalage. Ça fait quel bruit, un homme qui chute ? Paf ? Pof ? Plouf ?
Ou parfois l’homme qui chute fait chut.
En dansant sur le fil, en pointillés, la joie du jeu apparaît comme une bulle d’oxygène qui touche à l’universalité. Rage dedans mais aucune vague autour. Tombé du ciel bleu, sans sommation, en plein dans l’amer.
Au milieu des médecins, des conseils et des voisins qui jacassent, il faut se rassembler à la petite cuillère. Comme une boîte de puzzle qui aurait glissé de l’étagère, il est tout mélangé.
« Ce n’est pas un burn-out, Monsieur Pitaux. C’est beaucoup plus grave que ça ». Merci docteur, voilà qui est bien rassurant. Et puis, c’est Piraux, pas Pitaux.

Le dimanche 13/11, découvrez le spectacle dans le cadre du projet « D’un côté à l’autre du quartier on cause » en partenariat avec le RWLP, le CCN et le collectif La casserole. Entrée libre et discussions et échanges après le spectacle. Réservation uniquement pour le 13/11 auprès du RWLP : bureau@rwlp.be ou 081/31.21.17.

Distribution

De et Avec : Jean-Luc Piraux
Accompagnement à la création : Anne-Marie Loop, Brigitte Petit, Coline Fouquet, Didier de Neck, Félicie Artaud, Françoise Bloch, Karl Autrique, Laurent Ancion, Marc Doutrepont, Marianne Hansé, Michel Villée, Natacha Nicora, Odile Dubucq, Olivier Boudon, Olivier Wiame, Xavier Lauwers.
Diffusion : Théâtre Pépite Brigitte Petit

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Lundi 6 décembre 2021, par Jean Campion

Des Plaies cicatrisées et une lucidité accrue

En 2015, dans "Six pieds sur terre", son seul-en-scène précédent, Jean-Luc Piraux constatait qu’à 55 ans, le compte à rebours est déclenché : une vingtaine d’années, ce n’est pas si mal, mais il faudra les vivre sous une épée de Damoclès. En 2018, trois jours avant la première de "Rage dedans", foudroyé par un tsunami intérieur qui le paralyse, il craque et doit subir un internement psychiatrique. Rétabli mais fragilisé, il cherche à partager avec le public une épreuve. qui l’a traumatisé et les difficultés de sa reconstruction. Pas d’apitoiement, mais de l’humour, de la pudeur et de la légèreté.

"On fait aller", "Y a pas d’avance à se plaindre", ces phrases défaitistes, déclenchées par l’inévitable "Ça va ?", horripilent Jean-Luc Piraux. Il préfère se soigner à l’humour noir. Obsédé par des faits divers morbides, il tourne en ridicule une noyade surréaliste. Il nous fait hurler de rire, en imaginant l’utilisation d’un mix-soupe ou d’une tondeuse à gazon, pour se suicider. Cependant, quand il se hisse sur une chaise branlante, qui n’a plus que trois pieds, on sent la précarité de son équilibre. Il doit lutter contre l’attrait du vide et résister au retour du stress et des insomnies. C’est un homme sonné, qui n’aime pas que son metteur en scène "méridional" le bouscule. Son changement de costume est laborieux. Il a besoin de prendre son temps.

Plusieurs fois, Piraux caricature le citoyen insensible qui râle contre les dépenses de la sécurité sociale. Trop de malades se plaignent d’épuisement professionnel, alors qu’ils ont un poil dans la main. C’est le cas des comédiens : ils ne travaillent pas, ils jouent ! Autre cible : les soignants qui imposent l’horaire sans la moindre souplesse. Ou qui ne sont pas fichus de respecter son nom. Par des bilans réguliers, la psychiatre à l’accent anglais éclaire Jean-Luc sur l’évolution de son burn-out. Sans vraiment le rassurer. Ce sont les autres malades qui lui redonnent le goût de vivre. A l’hôpital, on laisse tomber le masque imposé par la société et on parle de l’essentiel. Prendre dans ses bras cette jeune fille qui a tenté de se suicider fait ressentir le besoin de tendresse et d’amour.

L’humoriste encaisse mal l’éclatement de son couple. Il maquille sa tristesse par une pirouette : "Quand on s’est demandé si on s’aimerait toujours, on aurait dû dire : toujours mais pas tous les jours." L’amertume de cet échec ne l’empêche pas de rêver. Peut-être qu’un jour il dormira à nouveau en cuillère avec sa moitié. Habillé en femme, il prend malicieusement le pouls du public sur les problèmes de couple. Résultat : des sourires parfois gênés et un énorme éclat de rire, lorsqu’il s’appuie sur les tentacules d’un mollusque, pour aborder les difficultés d’érection.

Jean-Luc Piraux se montre plus frêle, moins percutant que dans "Faut y aller" ou "Six pieds sur terre". Il aime descendre dans la salle, pour établir une relation plus fraternelle avec les spectateurs. Cependant sa terrible dépression n’a pas étouffé son désir de mordre dans la vie. Comme Rossinante, il veut trotter, galoper, danser et nous offrir un spectacle tonique, truffé de gestes extravagants et d’initiatives surprenantes. En bondissant dans la salle, pour embrasser qui le veut, il nous amuse par son impétuosité, mais nous confirme aussi l’importance de l’ouverture aux autres. Ce clown tendre est un humaniste convaincant.

Photo : Karl Autrique

Théâtre Jardin-Passion