Longtemps, les hommes ont quitté le foyer abandonnant l’éducation des enfants aux femmes pour assouvir des rêves de gloire, pour défendre la patrie, plus récemment pour trouver du travail... ou simplement par besoin d’évasion et de liberté.
En partant du mythe, Geneviève Damas, décortique l’image formatrice de la famille traditionnelle, où le héros est toujours décliné au masculin. Elle entend bien examiner à la loupe cette soi-disant liberté dans le couple.
Partant de l’Odyssée ainsi qu’elle l’avait décidé, elle se rend rapidement compte lors d’une résidence aux Tanneurs qu’en se focalisant sur un seul couple, le dialogue ne pouvait rendre la complexité des faits. Elle prend alors le parti de travailler par matériau, multipliant les points de vue, les imbriquant en une mosaïque, où les motivations des uns répondent aux frustrations des autres. Et elle réussit l’exploit de nous présenter un spectacle où la légèreté du ton n’enlève rien à la gravité du sujet.
Avec la complicité de Jan Hammenecker (Magritte du meilleur acteur dans « Tango Libre » de Frédéric Fonteyne), Geneviève Damas nous emmène dans des intimités multiples avec humour, intelligence et sensibilité.
Elle ne se prive pas de « casser » les codes dramaturgiques et interpelle directement le public dans les moments « où ça coince » (Et si c’est la femme qui abandonne tout par ambition ? A-t ’elle le droit de coucher et de dire que cela ne compte pas ?) et le spectacle vire en impro diablement maitrisée pour trouver un nouveau point d’amorce.
Et puis il y a les souvenirs personnels, celui de ce grand-père, scientifique à la fibre aventurière, qui a découvert une couche fossilifère au Congo, le plus ancien reste homo habilis à Ishango, organisé une conférence des Nations Unies en soutien à Moïse Tshombe. Ayant grandi avec cet exemple fort, était-il naturel de vouloir elle-même, Geneviève, soulever des montagnes, être à la hauteur des attentes, faire des études sérieuses, conquérir la scène, laisser des traces... Et en quoi cela rend-il vraiment heureux ? C’est un dialogue de soi à soi qui émerge en surimpression de ce débat sur fond de décor en aménagement d’intérieur.
Et une fois de plus, l’écriture allègre de Geneviève Damas nous réserve une soirée récréative et tout autant interpellante, rehaussée par un exceptionnel jeu d’acteurs.
Palmina Di Meo