Dans « Le Journal d’une femme de chambre » roman paru en 1900, il choisit de donner la parole à une domestique, Célestine, qui évoque les souvenirs des différentes places qu’elle a faites au fil des années. Quand cette soubrette nous fait voir le monde par sa lorgnette, on aperçoit, sous les airs et les ors, tous les tons qui colorent les dessous de la société : du plus noir, au plus rouge, en passant par le rose, la blancheur, la grisaille. A travers une écriture au style léger et dynamique, l’enfer social, la loi du plus fort, l’injustice, l’esclavagisme ou encore la prostitution, révèlent leur face cachée.
C’est Bernard Damien qui signe très adroitement cette nouvelle adaptation réussie et sa réalisation homogène. Le texte de ces pages qui s’écrivent devant nous, colle à la peau des deux comédiens comme une seconde peau qu’ils font respirer par tous les pores.
L’espace scénique est judicieusement équilibré, et impeccablement occupé par le tandem. Complice, ce duo a développé dans son jeu une belle qualité d’écoute. Il fonctionne comme une écriture à quatre mains, rythmée à la virgule et au point près. Tonique, nuancée, drôle et émouvante, Nicole Palumbo est une Célestine magnifique : elle rit, pleure et chante sa vie avec un talent qui nous enchante. D’un trait vif, Laurent Renard dessine, sans aucune rature, plusieurs personnages dans les pages d’un journal dont il connaît sur le bout des doigts, chaque phrase, chaque mot, chaque lettre, mille fois esquissés : le corps et le langage se renvoient l’énergie avec justesse et précision.
Caché au fond de la poche d’un tablier, c’est à livre ouvert que se tournent les pages de vie d’un émouvant journal, écrit à cœur ouvert… Parce qu’elle est particulière et unique, l’histoire de chacun mérite d’être entendue.
Lundi 4 avril 2011, par
Quand « chambrière en colère » rime avec « chouette soubrette », la domestique est fantastique !
En véritable révolté, libertaire et individualiste qu’il était, Octave Mirbeau était réfractaire à toute idéologie aliénante. Résolument pacifiste, il s’est battu avec constance contre toutes les forces d’oppression, d’exploitation et d’aliénation (la famille, l’école, l’armée, le capitalisme industriel et financier, les conquêtes coloniales, le système politique bourgeois,...). Mirbeau était athée depuis l’adolescence, antireligieux, anticlérical et antimilitariste. Rien d’étonnant donc, sur le plan politique, à ce que ce Monsieur « anti » se soit rallié officiellement à l’anarchisme en 1890. Humour noir, rhétorique de l’absurde, ironie démystificatrice sont quelques-uns des outils que ce pamphlétaire, aussi efficace que redouté, met en œuvre pour amener la réflexion auprès de ses lecteurs.