Ce spectacle, est le premier d’une série de propositions programmées par la Vénerie « Les Vénus de Mars » célébrant la Femme dans tous ses états, puisque nous sommes au mois de mars. Le Royaume Uni ne choisit pas sa date de fête des mères par hasard : c’est le deuxième dimanche de Mars qui voit fleurir compliments et cadeaux de Mother’s day. Si le spectacle est dédié à la femme, la mère y est singulièrement absente. Si le spectacle est dédié à l’extase, pourquoi, murmure-t-on, cette extase ne concernerait-elle que la femme ?
Pas de Ying sans Yang ! C’est ce qui fait défaut dans ce spectacle un peu réducteur. Au regard de la conception, de la distribution et de la réalisation de Geneviève Voisin, on pourrait penser que l’homme n’a pas les mêmes émois de fusion avec la nature quand il est enfant, ne se fait pas flageller pour être plus proche de l’extase divine, et n’éprouve pas l’extase sexuelle au même niveau d’abandon de soi. Sainte Thérèse d’Avila a un pendant aussi puissant qu’elle : Ignace de Loyola et tous deux ont autant d’adeptes parmi les mystiques. Luce, la folle, la sainte, ou la putain glisse du Carmel au Bordel, sans transition, ceci pour la fable sans doute. Il est vrai que l’on on rencontre moins d’hommes qui sont obligés de vendre leurs services dans les bordels. Puisque c’est l’homme le paradigme dominant de la société. Enfin, puisque nous suivons la trame proposée dans le spectacle, lorsqu‘ il ou elle suit le chemin de la décrépitude inévitable, ils seront tous deux à célébrer leurs souvenirs d’extases passées, tous deux à savourer les derniers petits bonheurs du moment présent. Tous deux à force de lâcher prise, capables ou non de fleureter avec l’au-delà, avec sérénité si les chemins de sagesse qu’ils auront empruntés les y mènent.
Ceci étant, le spectacle a une mise en scène très travaillée, très fine et très au point. La découverte scénique géniale est ce multi-paravent immense qui sans cesse bouge et change de forme dans des jeux de lumière très évocateurs. Une sorte de personnage tiers qui semble accoucher du spectacle et à la fois le diriger. Il symbolise avec grande poésie les frontières entre rêve et réalité. La narratrice, sorte de gorgone ailée est la « conscience » de Luce (Geneviève Voisin qui, à peu près réduite au non verbal, apparait d’autant plus naïve, vierge (!) et martyre. Donc sainte et ingénue à s’y méprendre. Bravo, le jeu de l’artiste frappant de vérité fait de Luce une véritable illuminée. Les trois danseuses accompagnant son parcours sont, à dessein, caricaturales et grotesques. Bien pour la fable, puisqu’elles représentent l’ego, la volonté et l’agressivité. Moins pour la beauté du spectacle et quand même dérangeant dans un spectacle sur l’extase. Une certitude : le jeu est vital et fait la vitalité de ce spectacle débordant d’énergie.
(Extase, vient de EX-stare…, se tenir en dehors. C’est un état assez rare où l’individu, tout en étant conscient et capable de mémorisation, n’a plus aucune perception de lui-même, tout entier absorbé par un ailleurs (autre, image, fantasme, divinité…).