Bermuda vert et chemise bariolée, un homme, qui s’était mêlé au public, monte sur scène. Il évoque le métro tentaculaire, ses quais envahis par une foule grouillante, "des gens en costumes chics, élégants et pimpants. L’oeil las et le visage bouffi. Petit-déjeunant de barres de céréales, de Grany au miel ou d’un truc de chez Mac Do. Trimballant leurs ordinateurs portables. Pianotant sur leurs téléphones..." Lui, porte un sac à dos bourré d’explosifs. Le metteur en scène a entremêlé au récit du terroriste, deux autres témoignages. Tout heureux de retrouver une ancienne élève, un professeur d’université se méprend sur ses sentiments et tente de la violer. Jason est un ado raciste, mal dans sa peau. Révolté par la discipline scolaire, il harcèle Lisa, une prof de son école.
Point commun entre ces trajectoires : la transgression. Une volonté d’enfreindre la loi, liée à un dérèglement, qui habite aussi les protagonistes de la seconde partie. Piétinant le secret professionnel, une mère, obnubilée par la santé de son enfant, faxe un document confidentiel au principal concurrent de sa boîte. Un frère et une soeur s’abandonnent à une relation incestueuse. Et une universitaire à la retraite se masturbe devant des films pornos.
Ces monologues et dialogues de personnages désaxés exhalent la violence et reflètent l’égoïsme d’une mégapole. On y crève de solitude et on tente de rétablir le contact avec les autres. En vain. Dans cette société de consommation "l’on ne peut survivre qu’en se comportant comme si les gens qui nous entourent n’étaient que des objets" (S. Stephens). Cette objectivisation explique qu’on en arrive à poser une bombe dans un métro.
Déboussolés et chosifiés par cette société cynique, les hommes vivent comme s’ils acceptaient d’être transparents. Une absence d’intimité, qu’Olivier Coyette souligne, en nous transformant en voyeurs. Alors que l’action se déroule à l’avant-plan, notre attention est attirée constamment par de singulières activités, en fond de scène. Des personnages suggèrent l’euphorie de Londres, après l’attribution des J.O. 2012 (la veille des attentats), d’autres boivent, prennent une douche ou... satisfont leurs besoins sexuels.
Tiraillé entre les récits entremêlés et les images provocantes, le spectateur peine à suivre une pièce sans progression dramatique. Et ce ne sont pas les musiques tonitruantes qui l’aident à se concentrer ! Bravo aux comédiens qui parviennent à jouer le jeu énergiquement, sur un plateau effervescent et dans un climat sonore qui oblige certains à forcer leur voix. Quelques tirades incisives font mouche, mais le texte gagnerait à être resserré. Quant à l’irruption du monologue d’Hamlet" (en anglais, avec des sous-titres difficilement lisibles pour beaucoup), il amène plus de perplexité que de lumière. On est également déconcertés par la séquence finale, qui nous ramène aux attentats de 2005. La réalité historique prend le relais de la fiction. En faisant défiler les photos des victimes (avec leur nom et l’une ou l’autre indication), l’auteur s’insurge contre le scandale d’ôter la vie à un innocent. Toute existence, même médiocre, mérite d’être vécue. Si l’objectif de "Pornographie" est de nous en convaincre, il n’est pas atteint.
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