"Pop-Corn", le show télévisé animé par la sexy-clown MartÔ, pulvérise les records d’audience. La recette utilisée par cette vedette est souveraine. Grâce à des questions et à des insinuations dérangeantes, elle tend des pièges aux people et politiciens qu’elle reçoit et les fait sauter, comme des grains de riz dans une poêle chauffée à blanc. La question insidieuse d’un téléspectateur a fait déraper la dernière émission et suscité la colère d’un ministre. Résultat : la présentatrice est remplacée. C’est la directrice de la chaîne, Maud Brassin, qui doit faire digérer ce limogeage. Tâche délicate : les deux femmes sont les créatrices de "Pop-Corn" et ont été amantes.
Maud, qui a plaidé inutilement la cause de son amie, tente de lui faire accepter une sortie honorable. Galvanisée par son succès, MartÔ se croit intouchable et lui tient tête. Tout à coup, elle s’emballe : si dans un dernier "Pop-Corn", on révélait que le téléspectateur sournois était un complice et que le show est totalement bidon. Ce coup de pied dans la fourmilière fait exploser l’audimat. Ravie d’avoir misé sur l’audace de son amie, Maud la presse de signer un nouveau contrat. En vain. MartÔ a abandonné son habit de clown et tire symboliquement le rideau sur ces querelles sanglantes. La pièce entame un second mouvement, inattendu et poignant.
L’auteur se plaît à mêler les climats et les styles. Habituées aux projecteurs, les héroïnes de "Pop-Corn" se lancent dans de brillantes joutes verbales, mais deviennent tendres, pour évoquer avec nostalgie leur liaison passée. Maud exprime l’ambition de la businesswoman par une danse de la séduction. Le clown MartÔ entonne une chanson enfantine, mime un air de "La Traviata" et se déchaîne dans un monologue sur la liberté. Cette variété stimule la curiosité, mais révèle l’inégalité des séquences. Trop d’allusions redondantes pour donner vie à une émission, qu’on ne voit pas.
Charmée par la puissance des mots de Pietro Pizzuti, la metteure en scène, Daphné D’heur, a choisi de les faire résonner "dans un théâtre débarrassé d’ornements". Un canapé, une table de salon, deux chaises en plastique et un bureau glacé composent un décor élémentaire. Dirigées avec une précision remarquable, les deux comédiennes montrent l’étendue de leur talent. Anne Beaupain affiche, sans complexe, la détermination d’une femme de pouvoir, qui assume ses responsabilités. Cependant, sous cette carapace, se cachent des fêlures. Marquée par la mort d’un enfant, elle a pu compter sur Jean, pour surmonter le drame. Elle reste attachée à la femme qu’elle a aimée, mais s’accroche à son fauteuil et à son confort. A l’opposé de MartÔ, qui se met en danger, pour défendre ses convictions. Laurence d’Amélio fait sentir avec justesse le besoin de vérité, qui habite cette écorchée. Quand son émission corrosive, qui lui permettait de narguer le pouvoir, lui échappe, elle réagit en anarchiste. Pas question de profiter du succès de son coup d’éclat. Loin du show-biz qui l’écoeure, elle cherche à remplir sa vie de rencontres authentiques, nourries par le respect des autres. Avec son nez rouge, garant de sa liberté.
Fort en "nezmotion"
"Pop-corn" est tout simplement incroyable ! Les mots manquent pour décrire ce merveilleux spectacle en deux mouvements. Deux tableaux. Et cela suffit largement pour pour nous faire faire des bonds émotionnels, à l’image du maïs dans la casserole.
Tout commence le jour où la production d’une chaîne télévisée décide d’abandonner son émission "Pop-corn, le show qui saute qui peut". La présentatrice vedette, MartÔ, clown-sexy, monte au créneau et débarque furibarde dans le bureau de Maud, sa directrice et ex-compagne. Débute alors un duel où s’échangent reproches, allusions vulgaires et souvenirs intimes à un rythme effréné. La dispute atteint une telle intensité que lorsque les deux femmes basculent soudainement dans la sincérité et l’émotion, on ne peut que plonger avec elles...
"Pop-corn", c’est l’histoire de deux personnages à la carapace fêlée par la vie. C’est une histoire qui se parle au public. D’elle-même. "L’auteur sait que les mots ont une matière", nous confie la metteure en scène. Et force est de le dire : le texte de Pietro Pizzuti - parfois un peu ardu - a quelque chose de palpable. Inspiré d’un scandale médiatique italien, c’est un texte écrit sur mesure pour les deux comédiennes. "Pop-corn", c’est en effet une histoire qui sent bon la complicité. Complicité dans laquelle le public est happé grâce au travail incroyable des artistes : Anne Beaupin et Laurence d’Amélion, deux comédiennes talentueuses et très dynamiques, et Daphné D’Heur qui signe une mise en scène précise et efficace. À elles trois, elles rendent tout à fait intelligible ce texte riche en images et en poésie.
La scénographie est d’une simplicité exemplaire : une table basse, un canapé, deux chaises en plastique de part et d’autre d’une table, un grand mur traversé par un éclat de peinture. Juste ce qu’il faut pour offrir du jeu aux comédiennes. Et tout cela se laisse oublier en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire afin de laisser place au dernier - et bouleversant - tableau.
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