Un intérieur simple mais classe, dépouillé, lisse, pourrait-on dire. Un canapé, un fauteuil, un pouf, une table basse sur laquelle reposent quatre flûtes à champagne, vides, et une poupée toute blonde. Sur le comptoir, une bouteille de champagne attend d’être débouchée. En aparté (le premier d’une très longue série), Franck donne le ton : « C’était une catastrophe complète, un parfait désastre, une folie totale ».
Deux couples (chacun à la scène comme à la ville, NDLR), tous anciens étudiants à l’école de médecine, se retrouvent après six années sans se voir. Karen (Véronique Dumont) et Martin (François Sikivie) sont partis en Afrique pour travailler dans un dispensaire. Liz (Valérie Bauchau) et Frank (Thierry Hellin) sont restés en Occident profitant du confort d’une vie bourgeoise : ils ont une maison, avec un garage, et ont même pris le temps de faire un enfant.
Les retrouvailles sont chaleureuses, en apparence. Liz, émue, excitée, survoltée, prend Karen dans ses bras, « je suis contente ». Les hommes sont moins expansifs, « bienvenue en Occident, docteur ! ». Mais le verni craque déjà. En aparté, Liz est moins tendre, les trouvant vieillis et amaigris. Martin déteste ce genre d’invitation et seul l’alcool lui permet de les supporter.
Les anciens expatriés ont amené un cadeau pour la fille de leurs amis mais Karen est incapable de se souvenir de son prénom. D’ailleurs y a-t-elle jamais prêté attention ? Liz ouvre le cadeau, c’est une poupée en bois sculptée, « oh c’est beau ». Comme retombée en enfance, elle se saisit de la poupée blonde (Peggy Pickit, c’est son nom) et commence à jouer un dialogue entre les deux poupées, l’africaine et l’occidentale.
Rapidement, le vin blanc prend le relais du champagne. Le malaise s’installe, explicite dans les apartés, latent dans les phrases qui ne sont pas terminées, les questions répétées - « comment c’était, vraiment ? » - ou qui restent sans réponse, les manœuvres de diversion, les saillies qui se veulent des plaisanteries mais qui n’en sont pas vraiment. Suspicions d’adultère, désir d’enfant non partagé, les ragots s’étalent et la tension montante s’exprime dans les cris, les larmes et ... un échange de gifles.
Liz et Frank se sentent obligés de justifier pourquoi eux ne sont pas partis - le fait d’avoir un enfant, la phobie des araignées - tout en témoignant de l’admiration pour leurs amis qui ont fait ce choix difficile. D’ailleurs, ils se donnent bonne conscience en envoyant notamment des vêtements là-bas, là bas en bas.
Ce n’était pas facile, Karen et Martin ne le cachent pas. Ils vont même jusqu’à reprocher à leurs amis d’avoir préférer la sécurité matérielle à l’aide humanitaire. Même s’ils sont peu loquaces sur les raisons de leur retour précipité, ils se demandent si cela valait la peine : « nous avons aidé les gens et après ils se tuent les uns les autres ».
« Peggy Pickit voit la face de Dieu » effleure à peine, et de façon peu convaincante, le rapport Occident-Afrique et le thème du néo-colonialisme. La pièce relève plutôt de la bataille d’ego de deux couples fondamentalement mal à l’aise dans leurs choix de vie respectifs parce qu’ils s’appuient sur des clichés et des illusions.
Les comédiens, pourtant loin d’être des novices, ont tendance à surjouer de façon parfois irritante. A chaque aparté, la scène se fige et reprend là où elle s’était arrêtée juste avant la prise de parole d’un des interprètes. A la longue, cela devient passablement lassant et tire l’action en longueur. De même que le fait de changer la disposition des meubles à plusieurs reprises entre deux scènes n’apporte rien, de manière évidente, au spectacle. A moins que ce ne soit juste pour « meubler ».
Didier Béclard
Photo : Debby Termonia