En surface, le texte de « Paternel » apparaît comme une interminable énumération d’objets ayant appartenu au défunt, entrelacée de quelques souvenirs… Mais le spectateur qui y prête une oreille plus attentive, et qui se laisse porter par sa sensibilité pour penser les non-dits, voit progressivement apparaître tout un univers. Qui était cet homme pour ces quatre femmes ? Un père pour trois d’entre elles. Un patient pour la quatrième. Petit-à-petit, l’image se précise, les détails apparaissent, les enjeux, les sentiments, les rancœurs aussi. Avec humour et subtilité. Chacune, à travers les objets parfois anodins qu’elle souhaite garder, livre son rapport à cet homme. Les facettes se combinent, se confrontent parfois : son rapport à la religion, sa carrière universitaire, ses maîtresses. La sculpture s’affine. Par ce biais, l’auteur encourage intelligemment le spectateur à participer au rituel funéraire. D’un côté, quatre femmes qui entament leur deuil en s’arrachant tout à tour des pans entiers de la vie de cet homme. De l’autre, le public qui assemble mentalement tous ces pans et le ramène en quelque sorte à la vie.
Pour mettre en scène son texte, Philippe Blasband a opté pour la sobriété : les quatre comédiennes, simplement vêtues de noir, évoluent dans le cadre intimiste de la salle des voûtes du Public. Pas de décor, juste une chaise et une zone en fond de scène où les personnages semblent pouvoir s’isoler et se ressourcer lorsque la tension devient trop forte. Un choix de mise en scène judicieux puisque tout aspect réaliste, tout accessoire matérialisé sur le plateau aurait très certainement affaibli la liste des objets énumérés. De même, le jeu des comédiennes est posé, tout en retenue, donnant d’autant plus de force aux très rares éclats, lorsqu’une carapace se brise. Un style épuré donc, qui laisse toute la place au texte et à sa mise en voix.
Une courte pièce salutaire : chacun étant confronté un jour ou l’autre à la perte d’un être cher, elle nous rappelle à quel point il est important de trouver un moyen de faire son deuil.
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