La pièce de Nicolas Bedos a parcouru la France il est vrai mais on s’interroge sur ce que l’on peut y trouver. Théâtre « digestif » ou « comédie de boulevard piétinée » ? Tout y sonne creux, comme la toux caverneuse du protagoniste principal, vieil écrivain misanthrope et narcissique, rabâcheur à souhait à qui on a interdit de fumer. Même le goût parisien de la formule n’y est pas. On sourit du bout des lèvres à certaines saillies tantôt lourdes tantôt plates, qui à peine sorties sont déjà éventées. Passez-moi le sel s’il vous plaît !
On reconnait certes à Nicolas Bedos l’intention d’avoir voulu créer un personnage crédible, en hommage à son illustre père … à travers ce grincheux médisant et amer, qui est supposé dire l’ennui et la désillusion de fin de siècle, dans la tradition d’Alfred de Musset. Hélas, la transmission ne s’est pas faite et nous sommes en début de siècle, que diable ! Rien de cette intention louable n’apparaît dans la pièce, ni dans le fond ni dans la forme. celle-ci se résume à une série décousue d’éructations d’un homme de théâtre qui va mourir, après avoir tourné volontairement ( ?) le dos au succès et s’être enfermé dans une tour d’ivoire où il brasse ses agacements. Il croit impressionner avec ses bordées d’injures d’une platitude à vous faire fuir. Ce que son ex-femme a fait d’ailleurs. Ce que l’on ferait aussi, si c’était un film.
Il n’est que sa très brave servante au grand cœur, à la solide composition, jouée par la savoureuse Marie-Hélène Remacle, époustouflante dans Shirley Valentine, qui sauve les quelques meubles qui n’ont pas été pris par les huissiers. Oui, elle est bien dans la tradition des servantes fines, généreuses et intelligentes qui peuplent le théâtre classique français. Son accent du midi et ses postures de femme mûre et sereine sont irrésistibles. Lisa Debauche, la jeune nièce à la recherche d’un père, est pour sa part gauche, incertaine et peu convaincante dans son rôle de jeunette dorée déboussolée qui taquine des idées suicidaires. Et les deux autres personnages, joués sans grand enthousiasme par Damien De Dobbeleer et Frédéric Nyssen, semblent se demander ce qu’ils sont venus faire dans cette galère. Tout comme Jean-Claude Frison dans le rôle principal qui met son énergie au service d’un personnage dont il n’endosse pas vraiment le profil. Heureusement que sa nièce lui passera une fumette ou deux ! Les décors et les costumes sont de la même eau blafarde de l’ennui tandis que les appuis musicaux ne semblent reposer sur rien.
Un mot encore : on aurait adoré que le Chat de l’écrivain, personnage hargneux à l’image de son maître, qui griffe et qui mord à chaque instant fut réellement sur le plateau, pour nous égailler un peu !
Bref, on efface et on recommence, chacun peut se fourvoyer. Le théâtre des Galeries qui, de la comédie de boulevard aux pièces sérieuses, passionne ses fidèles spectateurs, n’inscrira sans doute pas cette pièce dans ses annales.
Dominique-Hélène Lemaire