Avachi dans son canapé couleur ‘Kill Bill’, Abdeslam allume sa clope. Il rumine dans sa tête à mesure qu’il enfume le plateau. Au sol, on y distingue encore les stigmates des rangées du parterre de la salle enlevées pour l’occasion. Les gradins ont envahi l’arrière scène. Le frigo fume lui aussi. Abdeslam l’ouvre et éveille une horde de néons clignotant. Ils éclairent sa combinaison à poche. Une poche kangourou à l’effigie du logo du leader mondial de livraison de repas.
Chaussettes montantes Addidas, Asics assorties, short par-dessous le legging et Cécémel de poche sont l’équipement idéal du coursier jetable. Ouragan effectue le placement de produit comme on livre des nouilles sautés au poulet. Efficacement. Ils sont cinq (Egon Di Mateo, Benoît Fasquelle, Ben Fury, Nganji Mutiri et David Scarpuzza) à effectuer un ping pong de punchlines en tenue de cycliste. Ils parcourent – vélo à l’appui- la violence insidieuse du vocabulaire paliatif d’entreprise.
Le rire coupé, on se plonge dans une création sonore rythmée et précise. Sans prévenir, on est happé par la répétition des mouvements des cinq performeurs. Il nous reste à contempler les corps imparfaits du chœur de livreurs partenaires. Puis, lorsqu’un d’entre deux trébuche sur un sac à dos imperméable et cubéiforme, on revient à la violence des injonctions paradoxales du management. Intelligemment et sans mots, ils continuent à décortiquer finement l’horizon bouché et les rapports de force. Sans didactisme déplacé ni uniformisation d’une classe de travailleurs cyclistes, Ouragan nous dévaste brillamment.
Ebranlés par de fines secousses sismiques , on comprend mieux la manière dont l’autorité peut se dissimuler derrière une application smartphone. On en sort avec un sourire en coin de magnitude 11.
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