D’emblée Nina Simone campe le décor : « Le jazz c’est un terme inventé par les Blancs pour identifier les Noirs. » Née en 1933, sixième d’une famille de huit enfants, elle ne voulait pas chanter, elle voulait devenir pianiste, répertoire classique, grande amatrice de Jean-Sébastien Bach. Beaucoup de regrets aussi de la part de Lisa, la fille qu’elle a eu avec Andrew Stroud, son mari et manager, devenue chanteuse elle aussi, qui n’a pas eu la mère qu’elle aurait voulu.
Nina Simone (en hommage à Simone Signoret) parcourt les moments forts de sa carrière. Après avoir perdu quelques millions à cause d’un agent à qui elle avait cédé ses droits, l’argent s’est mis à couler à flots. Elle en a profité et s’est amusée à jouer la diva. Choquée par l’attentat de Birmingham en Alabama en 1963, au cours duquel quatre enfants sont assassinés, elle devient militante et interprète « Mississipi Goddam ». Elle néglige sa fille : « Je t’aimais tellement. Tu as sacrifié une vie normale pour l’amour de ton peuple et des droits civiques ». A partir de là, ses chansons deviennent résolument engagées, elle défend les droits des Noirs.
Parallèlement, son mariage se dégrade. « L’homme qu’elle aimait la faisait travailler comme une bête. Il la battait ». Sa fille part habiter à New-York avec son père. Elle s’engage dans l’U.S. Air Force et y passe 12 ans avant de devenir chanteuse, tardivement. Elle déplore que sa mère ne l’ait jamais soutenue, sa mère qui était toujours en tournée.
En 1970, Nina Simone quitte les Etats-Unis pour la Barbade et entretient une relation avec le Premier Ministre Errol Barrow. A partir de 1974, elle s’installe au Libéria. Dans les années 1980, la chanteuse devient bipolaire, elle sera hospitalisée. Après avoir vécu en Suisse et aux Pays-Bas, à partir de 1992, elle s’installe en France et y meurt le 21 avril 2003.
L’amour est omniprésent sur scène et dans les chansons. L’amour entre ces deux femmes, l’amour pour le peuple noir. Cette rencontre, cet échange à cœur ouvert, l’ont-elles vécu ? Lisa chante « child in me », qui décrit leur relation. Les chansons sont interprétées avec grâce et profondeur (magnifique « I put a spell on you »). Une traduction simultanée est projetée sur la droite de la scène, les textes sont importants. Au piano, on retrouve Charles Loos, excellent. Une immersion qui vaut vraiment la peine. Rien de plus, rien de moins.
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