Première tentative visible : deux actrices et un acteur, Marie Bos, Estelle Franco et Francesco Italiano, commencent à jouer plus ou moins le texte de la pièce de Tchékhov « Les trois sœurs. Une pièce à douze personnages. » L’une des trois sœurs est jouée par un homme à barbe ; le décor tente à la fois d’être un salon et une salle en milieu hospitalier. Le ton est étrangement burlesque et l’on rit.
Seconde et troisième tentatives avortées qui vont donner le ton : celle de Macha, Olga et Irina, les trois sœurs, de retourner à Moscou sans y parvenir après le décès de leur père ; celle de Tchékhov lui-même d’avoir écrit il y a cent cinquante ans un vaudeville qui aura été accueilli comme un drame lors de la première.
Quatrième tentative : nos trois acteurs jouent aussi trois personnes enfermées dans un centre psychiatrique, Bernard, Edith et Sabine, qui semblent en train de s’emparer des personnages de la pièce de Tchékhov à moins que ce ne soient les personnages qui s’emparent d’eux. Pour Marie Bos, le choix de passer pour trois « fous » aurait à voir avec un désir de naïveté et permettrait de se dégager de présuppositions sur ce que doit être le théâtre aujourd’hui.
Cinquième tentative : inviter l’absurde, celui de Becket, à tisser des liens entre les situations, les personnages, les musiques, et occuper l’espace en maître des lieux.
Sixième tentative : nos trois acteurs tentent de témoigner de la difficulté de faire du théâtre aujourd’hui, de défendre un projet radical et ambitieux ; le résultat d’un travail d’improvisation et de réflexion lucide et approfondi.
Résultats : un étonnant voyage autour des trois sœurs, de la folie, du théâtre aujourd’hui, et de tout ce que votre générosité de spectateur voudra bien y trouver. Francesco Italiano y est émouvant et drôle, Estelle Franco touchante et juste et Marie Bos sait se montrer crispante à souhait et nous offrir d’en rire.
« Nasha Moskva » apparaît comme une audacieuse proposition théâtrale, parsemée de fortes trouvailles musicales et scéniques qui portent un récit entre délire maitrisé et mise en abysse de la détresse, de la folie… et de l’espoir. Le projet prend aux tripes et saute au visage plus d’une fois sans préavis. Les acteurs semblent en ressortir complètement sonnés sous les applaudissements, libérateurs pour tout le monde, d’un public qui semble avoir trouvé ce qu’il était venu chercher.
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