Miss Else
Else a quinze ans. Un âge tendre, si tendre qu’il peut la désigner comme proie à croquer, quand la chrysalide devient papillon, et que le corps, en pleine métamorphose, tremble devant le désir ; si tendre entre peur et audace, entre affirmation de soi et incertitude, quand les rêves sont grands, les excès tentants, le danger invisible, et que les fables qu’on s’invente, se heurtent avec fracas au monde des adultes.
En vacances avec sa tante, Else reçoit un courrier de sa mère lui demandant d’intervenir auprès d’une connaissance de la famille, le vicomte Von Dordsay, en villégiature lui aussi, et qui dispose de la fortune nécessaire pour sauver son père, au bord de la faillite. Von Dorsday consent à la demande pour autant qu’elle s’offre à lui. Else parait sensuelle, frivole, égocentrique, curieuse de découvrir le monde, de s’émanciper de sa famille.
Ne doit-on voir, dans l’adolescente à la recherche d’elle-même, qu’une apprentie séductrice ? Ou bien une jeune fille peu armée, face à la violence de l’adulte ?
Dans cette réécriture du texte de Schniztler à l’heure du « #metoo », c’est la question du consentement qui sera, entre autres, examinée de plus près.
Dimanche 4 octobre 2020,
par
Catherine Sokolowski
L’ado et … le salaud ?
Dans cette adaptation du texte de Arthur Schnitzler, une jeune adolescente de 15 ans partage ses pensées, ses doutes et ses troubles. En vacances avec sa tante, elle joue au tennis avec un cousin très tactile et discute avec un acteur très people. Elle reçoit quelques SMS de sa mère qui lui annonce le retour de son père après une longue absence. La jeune fille est alors chargée de trouver l’argent nécessaire à apurer les dettes paternelles. Dans un contexte #metoo, la metteuse en scène Jeanne Dandoy propose une réflexion sur les limites du consentement en confiant à Epona Guillaume le rôle de cette jeune adolescente en pleine métamorphose. Une belle association !
Else vient de disputer une partie de tennis avec son cousin. Très « ado », elle est franche et positive mais pas naïve : l’ambiguïté des gestes de ce dernier ne lui a pas échappée. Elle est à l’âge où la « météo intérieure » varie d’autant que sa mère lui prête peu d’attention, trop occupée par la gestion de carrières de plusieurs artistes.
La jeune fille est attirée par le luxe et la vie de star. Très impressionnée par le carnet d’adresses de Von (Alexandre Trocki), un acteur de 55 ans qui séjourne dans le même palace, elle est ravie qu’il l’invite à la fête qu’il organise. Manipulatrice, sa mère lui suggère alors de demander de l’argent à l’acteur : « Tu es notre seul espoir, agis en ton âme et conscience et n’oublie pas que Von a toujours eu un faible pour toi ».
« Comment demande-t-on 30 000 balles à un parfait inconnu ? ». Perdue, la jeune fille accepte cette mission, elle l’accepterait même sans argent, juste pour le défi. Le défi, le désir, la joie de permettre à son père d’éviter la prison, autant de motivations qui vont conduire Else dans les bras de Von.
Comment qualifier cette situation ? Prostitution ? Abus ? Relation consentie ? Quel est le point de vue de l’homme, celui de la jeune fille ? Dans la lignée de #metoo, un constat : « Notre vieux monde est périmé ». Si le spectacle débute (un peu trop) lentement, la tension va crescendo. Pas vraiment de surprises dans cette adaptation féminine du roman de Schnitzler mais une superbe mise en scène d’inspiration cinématographique et une belle prestation d’Epona Guillaume mise en valeur par le jeu discret d’Alexandre Trocki. Bon spectacle !
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