En effet, emportés par la folie douce des personnages, enivrés par la valse insensée des mots, nous sommes amenés à réfléchir sur les limites du langage. Prise de conscience salutaire à une époque où des communicants boulimiques multiplient les échanges creux.
Cependant le spectacle ne tourne jamais à la prise de tête, car l’auteur a un humour délirant et une virtuosité éblouisssante. Il nous provoque par des situations insolites. Voyez les signes de politesse en usage chez madame de Saint-Ici-Bas, où l’on se réunit pour...tousser et cracher avec délectation. Il tourne en ridicule certaines conventions théâtrales, dont abusent des dramaturges vieillots, en faisant réciter à Oswald et à Zénaïde des apartés interminables. Il multiplie les dérapages de mots déroutants. Quand monsieur et madame Pérémère discutent, ils ne peuvent endiguer le flot de mots inutiles qui boursouflent leur discours. En écoutant les protagonistes d’ "Un mot pour un autre", on est éberlués et ravis par cette langue bourrée de mots impropres mais que la musique des phrases rend compréhensible.
Si l’on entre dans le jeu avec jubilation, c’est aussi parce que la mise en scène est nerveuse, séduisante et fluide. "Menus plaisirs", composé de sept courtes pièces et de poèmes, forme un tout homogène, qui progresse en souplesse. Pas de coupures entre les scènes mais des changements de décors à vue, qui prennent l’allure de charmants ballets. Pas de saturation non plus. Régulièrement un meneur de jeu excite notre curosité et nous repartons avec joie pour un tour en Absurdie.
Dans un décor de guingois, qui souligne le déséquilibre ambiant, les huit comédiens évoluent avec aisance et un sérieux désarmant. Incontestablement, leur complémentarité est un atout majeur de ce spectacle et elle éclate en particulier dans "Conversation-Sinfonietta".
Cerise sur un gâteau savoureux !
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