Enfermé dans sa tour d’ivoire, Kurt refuse d’admettre que le pouvoir « vampirise » son théâtre et recourt à des justifications de moins en moins crédibles. Acteur brillant, il n’a aucun relief lorsqu’il redevient lui-même. Le rideau tombe sur un homme vide, incapable d’exprimer le moindre sentiment, la moindre émotion, hanté qu’il est par les différents personnages qu’il a incarnés. Et s’il avait décidé de rester acteur, de résister de l’intérieur parce que se sentant profondément incapable de faire autre chose ?
Interprétation magistrale, en particulier celle de Dirk Roofthooft dans le rôle principal. Guy Cassiers utilise sans modération toutes les techniques dont il dispose. Nous nous laissons emporter par l’originalité de la mise en scène, la poésie de certaines rencontres, l’impact d’une amplification d’une extrême puissance aux moments forts du spectacle. Elle nous glace le sang lorsqu’elle fait écho aux vociférations d’un leader nazi, véritable incarnation de la folie d’une machine qui se déchaîne. A ce moment, l’ombre du Vlaams Belang et de tous les partis fascistes plane sur la scène.
Ce spectacle peut paraître long et son auteur pourrait être taxé d’élitiste en raison des nombreuses références au monde littéraire (drames historiques de Shakespeare ; pièces de Tchekhov).Celui qui aborde cette oeuvre sans aucun de ces pré-requis aura inévitablement le sentiment de se noyer. Trois heures de représentation dans la langue de Vondel peuvent décourager certains spectateurs et ce, malgré le support des traductions. Mais si nous acceptons l’idée que le théâtre, c’est aussi sentir les personnages et leurs émotions au travers de leur voix, de la « danse » des corps, de la musique et des effets sonores, nous sommes conquis.