Lundi 23 avril 2007, par Xavier Campion

Martine Willequet

Rencontre avec la pétillante Martine Willequet que nous pourrons retrouver au Théâtre de la Toison d’Or à partir du 19 avril jusque fin mai dans une série au concept des plus originaux : « Saison One »

Rencontre avec la pétillante Martine Willequet que nous pourrons retrouver au Théâtre de la Toison d’Or à partir du 19 avril jusque fin mai dans une série au concept des plus originaux : « Saison One ».

Pourriez vous nous expliquer ce qu’est « Saison One » ?

Il y a environ un an, Nathalie Uffner - directrice de la Toison d’Or - Marie-Paule Kumps et Bernard Cogniaux ont eu l’idée de créer un feuilleton théâtral. Ce concept est complètement original, c’est une sorte de challenge. Au fil de leurs réunions, il fut décidé que Marie-Paule et Bernard écriraient le texte ensemble. Ils sont en couple à la ville comme au théâtre et se complètent très bien dans l’écriture. Ce spectacle compte six épisodes et quatre personnages récurrents dont je fais partie avec Bernard, Damien Gillard et Clément Thirion, un jeune comédien fraîchement sorti du Conservatoire de Mons. Le spectateur pourra voir le premier et le second épisode du 19 au 28 avril. Ensuite, quinze jours après - du 2 au 12 mai - on joue le troisième et le quatrième épisode. Le cinquième et le sixième épisode seront joués du 16 au 26 mai. Dans chaque groupe d’épisodes, il y a une guest star. Dans les deux premiers, c’est Nathalie Uffner, dans le second c’est Pascal Racan et le dernier reçoit Marie-Paule Kumps elle-même. L’idée motrice, c’est la vie dans un théâtre. C’est vraiment un domaine que Bernard et Marie-Paule Kumps connaissent très bien l’un et l’autre. Les personnages sont un directeur de théâtre, un comédien une peu ringard, un jeune comédien plein d’enthousiasme et une assistante méticuleuse. Les auteurs veulent montrer comment cela se déroule dans un théâtre. Avec beaucoup d’humour, ils mettent en évidence certaines situations ainsi que certains personnages hauts en couleurs que l’on peut y rencontrer.

Y aura-t-il un épisode où l’on assiste à, par exemple une répétition ?

Oui ! Il y aura en effet un épisode où le théâtre fait venir un grand metteur en scène français (interprété par Pascal Racan) qui travaillera avec la troupe un texte incompréhensible d’un auteur finlandais. On montre également ce qu’il se passe après la représentation de cette troupe ainsi que les angoisses, le trac des comédiens.

Faut-il avoir vu les deux premiers épisodes pour apprécier les épisodes 3 et 4 ?

C’est mieux de suivre la série dans l’ordre chronologique car l’histoire forme un tout. De plus, le spectateur retrouve les personnages dans des situations différentes à chaque fois. Mais, on peut évidemment très bien comprendre même si l’on ne vient voir par exemple que les épisodes trois et quatre.


Vu la fréquence des épisodes programmés, vos répétitions doivent être intenses !

Ce que l’on a fait dans un premier temps, c’est de passer au travers des six épisodes afin d’avoir une ligne claire et cohérente de l’histoire car c’est une matière titanesque. Chaque épisode dure quarante minutes. Pendant que l’on jouera un et deux, on répétera trois et quatre et ainsi de suite. Retenir le texte et le mettre en place est un gros boulot pour tout le monde. Et dans l’équipe, certains comédiens ont des obligations : Bernard donne cours au Conservatoire de Mons et Pascal est en tournée avec un autre spectacle ! Il est donc parfois difficile de trouver des créneaux horaires s’adaptant aux devoirs de chacun. Mais même si le travail est énorme, il est toujours tellement enrichissant.

Le 2 juin une « Intégrale » est programmée à la Toison d’Or. De quoi s’agit-il ?

Et bien là, on joue les six épisodes d’un coup ! C’est 4h30 de spectacle ! Mais, avec des entractes !


Il y a un côté expérimental…

Complètement, c’est un challenge ! Les spectateurs réservent d’ailleurs énormément pour cette « Intégrale » certainement parce qu’il est peu courant d’assister à un si long spectacle. Peut-être qu’ils veulent nous voir mourir en scène (rire) !

Le parallèle avec ces séries à succès - que nous connaissons tous ! - est étonnant.

Martine WillequetOui ! Je regarde aussi ces séries ! J’aime beaucoup « Six feet under » ! Je trouve que c’est la moindre des choses de voir ce qui se fait. Et analyser les raisons pour lesquelles cela fonctionne auprès du public et pourquoi pas en utiliser le concept en le transposant au théâtre.

Travaillez-vous en improvisation pour créer des situations ?

Non, le texte est déjà écrit. Mais comme nous avons la chance d’avoir des auteurs vivants sous la main, ils arrivent que nous discutions sur certaines répliques.

Est-ce un spectacle qui s’adresse aux initiés ?

Non, mais cela aurait pu être un danger. Le langage du milieu théâtral est un jargon comme un autre. Je pense que le spectacle s’adresse à tout le monde car ce petit microcosme qu’est le théâtre peut être transposé dans n’importe quelle famille de travail. Dans chaque boîte on peut retrouver ces types de personnages. Les situations, les rapports entre les gens au sein du travail, c’est ça qui nous intéresse vraiment.

Vous l’appelez « Saison One », est-ce qu’on peut espérer une deuxième saison ?

Je ne sais pas ! C’est une éventualité…

Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes qui démarrent ?

Quels conseils ?... Avoir de la patience, avoir une bonne santé… J’ai envie de dire que si on aime ça, il faut foncer ! Savoir que c’est un métier qui est difficile, très difficile. Parce qu’il y a beaucoup de demandes et pas tellement d’emplois. Bien sûr il ne faut pas faire ce métier pour l’argent, ni si on a besoin de stabilité parce qu’une saison n’est pas l’autre. On peut avoir plein de boulot une saison et l’autre ne pratiquement rien avoir. Je dirais aussi qu’en tant que jeune comédien, il faut accepter tout ce qui se présente parce que chaque expérience est enrichissante. Ne pas faire la fine bouche, manger, manger tout ce qu’on peut, se nourrir d’un maximum d’expériences, d’aventures et de rencontres, de projets. Et travailler de préférence avec des maisons différentes, aussi les milieux d’impro c’est très enrichissant. Il faut foncer avec amour et passion !

Martine Willequet

Que pensez-vous des jeunes qui écrivent leurs propres pièces ?

C’est extraordinaire, je trouve ça génial. De mon temps, ça ne se faisait pas du tout.

Peut-on dire que les jeunes comédiens sont très polyvalents ?

Oui. Un peu par la force des choses, je suppose, puisqu’il y a peu de boulot. Quand je suis sortie de l’IAD, il y avait beaucoup plus de possibilités. Les gros théâtres engageaient énormément, ils produisaient davantage de spectacles et les saisons étaient plus longues. Trente représentations, c’était normal ! Je ne veux pas être passéiste ni nostalgique mais au National par exemple, c’était une fourmilière ! Il y avait en permanence un spectacle dans la grande salle, un dans la petite salle, un spectacle en tournée, et deux en répétition. Il y avait douze spectacles aux Galeries il en reste cinq. Au Théâtre du Parc, il y en avait neuf, il en reste cinq. Ce ne sont que des exemples.

Pourquoi ?

Pour des raisons budgétaires. À l’époque aussi, chaque théâtre organisait des auditions en fin de saison. Et donc c’était très ouvert. Maintenant, on fait passer des auditions ponctuelles pour un rôle ou deux éventuellement mais ce n’est pas une audition ouverte où les jeunes acteurs peuvent se montrer aux directeurs, aux metteurs en scènes.

Vous avez tourné La Couleur des Mots avec Philippe Blasband .

Martine WillequetOui. C’est un très très beau film sur la dysphasie , qui a été très apprécié. Philippe Blasband a lui-même un fils dysphasique. Il a voulu expliquer ce qu’est la dysphasie et il en a fait un long-métrage magnifique et très touchant, très documenté.
J’ai également tourné dans le film suivant de Philippe Blasband : Coquelicots . Ce film est actuellement en cours de montage. Le sujet est le problème de ces jeunes femmes de l’Est qui sont amenées ici pour soit disant découvrir l’Eldorado et finissent sur le trottoir, leur passeport confisqué et remis à un proxénète… le cycle infernal de la prostitution. C’est à nouveau un film avec un beau sujet, social, une dénonciation de quelque chose qui se passe pour le moment. Il a mis en forme différents cas qu’il a pu rencontrer. Je voudrais souligner que le film s’est fait avec une équipe magnifique 100% belge : production, montage, réalisation et qu’il s’est fait sans un franc de subside ! Tout le monde, l’équipe technique, les acteurs, les maquilleuses, les habilleuses, les assistants, tout le monde a travaillé gratuitement. Quand il m’a appelée, il m’a tout de suite expliqué, mais j’aime travailler avec lui et donc on le suit. Le tournage s’est fait en fonction de la disponibilité des gens. Il y avait par exemple 3 maquilleuses, 3 assistants parce que le jour où l’une avait un contrat payant, elle acceptait et une autre prenait sa place. (Bien sûr nous avons un contrat et le jour où le film se vend, il redistribue).

Que peut-on souhaiter à Philippe Blasband ?

Que ses films soient reconnus, ce qui est le cas pour La Couleur des Mots, pour lequel il n’a eu aucun subside non plus. Que ses films marchent pour qu’il ait de l’argent pour faire d’autres films !

Une conclusion sur le métier de comédien ?

C’est un métier magnifique ! La passion reste intacte après … 40 ans !

Interview France Pinson et Carine Jeukenne