Mademoiselle Agnès

Bruxelles | Théâtre | Théâtre des Martyrs

Dates
Du 30 novembre au 17 décembre 2021
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre des Martyrs
Place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles
Contact
http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

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Mademoiselle Agnès

« J’en ai marre de ces artistes. Ces parasites qui enchaînent les bourses, qui élèvent les petites aventures fades qu’ils ont entre eux au statut de drame intime et engagé. N’importe qui avec un gramme de coke dans le nez peut demander des subventions pour un projet culturel avec des réfugiés. »

Mademoiselle Agnès est à la sphère de l’art contemporain ce qu’Alceste était aux salons du dix- septième. Blogueuse influente, elle diffuse ce poison qu’est la vérité, n’épargnant personne, pas même son fils musicien. Toujours prête à crever les abcès et les contradictions, cette franche vipère aux crocs qui font mouche tire sur tous ceux qui mentent, dissimulent, camouflent, travestissent, qu’il s’agisse de ses amis Fanny et Adrian, ou des performeuses Annabelle et Cordula, marquises d’aujourd’hui aux grands airs et aux projets sans substance… Et si, tel Alceste face à Célimène, Agnès faiblit face à Sascha, sa jeunesse et son charisme, elle finit orpheline de son honnêteté absolue, loin du refuge campagnard où elle avait rêvé d’une vie sans faux-semblants.

Distribution

TEXTE Rebekka Kricheldorf • JEU Fabrice Adde (Elias), France Bastoen (Agnès), Daphné D’Heur (Fanny), Adrien Drumel (Sascha), Stéphane Fenocchi (Adrian), Gwendoline Gauthier (Annabelle), Félix Vannoorenberghe (Orlando), Chloé Winkel (Cordula) • MISE EN SCÈNE Philippe Sireuil

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2 Messages

  • Mademoiselle Agnès

    Le 6 décembre 2021 à 15:19 par christiane

    mademoiselle Agnès peut être une collègue, une copine, voir un membre de la famille, le dialogue est impossible, même si on rit c’est malgré tout méchant, peut-on vivre en société sans arrondire les angles afin d’éviter d’être toujours au bord du conflit
    chacun ce fera son opinion, pièce très bien écrite, a voir avec beaucoup de plaisirs, très belle soirée

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  • Mademoiselle Agnès

    Le 20 janvier 2022 à 13:25 par MarcD

    Sans être un raté, le spectacle déçoit cependant, sans doute aussi parce que les attentes étaient grandes.
    Il reste les répliques cinglantes de la protagoniste principale, mais le tout est, paradoxalement, assez convenu.
    Un bon moment quand même.

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Vendredi 3 décembre 2021, par Jean Campion

La Sincérité à nouveau condamnée

Dans "Villa dolorosa" (que le Théâtre des Martyrs reprend en mars 2022), Rebekka Kricheldorf s’inspire des "Trois soeurs"de Tchékhov, mais adopte un angle d’attaque fort différent. Soudées, ses héroïnes osent tout se dire. Sans filtre. Leur sincérité et leur goût de la provocation électrisent la comédie. C’est dans un style encore plus décapant que la dramaturge allemande réécrit "Le Misanthrope" de Molière. Blogueuse impitoyable, "Mademoiselle Agnès" tire sur tous ceux qui mentent, artistes fumeux ou amis fidèles. Sa lucidité nous offre de nombreuses répliques drôles et cruelles, mais à l’instar d’Alceste, elle est victime de son aveuglement.

"J’en ai marre de l’humanité tout entière." Conclusion logique d’un aparté, dans lequel mademoiselle Agnès (France Bastoen) confie au public son rejet d’une kyrielle de comportements sociaux. Cette sociopathie ne l’empêche pas d’offrir l’hospitalité. Plaquée par son mari, Fanny (Daphné D’Heur) est heureuse d’en profiter. Cependant elle refuse l’intransigeance de son amie. Elle continuera à écrire des articles insignifiants dans un magazine populaire : il faut bien vivre. Et ce soir, malgré l’hypocrisie ambiante, elle se rend à un vernissage. Agnès a aussi recueilli Elias (Fabrice Adde). Barbe hirsute, pieds nus, jupe écossaise, cet excentrique se réfère à Socrate et "pense à temps plein". Il surprend par ses fables, ses mots et ses machins magiques. Pour Adrian (Stéphane Fenocchi), c’est un parasite, un clodo à foutre à la porte. Pas question ! Agnès le considère comme son meilleur ami.

Elle est beaucoup moins conciliante avec son fils Orlando (Frédéric Vannoorenberghe), venu lui demander une critique favorable. Sa chanson "Printemps noir" est un navet qui barbote dans la pluie. Avec des arguments implacables, elle la démolit et refuse de se laisser acheter. Qu’il continue à faire de la musique avec son groupe Die Orlandos, au lieu de se prendre pour un poète ! Blessé, le fils reproche à sa mère de perdre tout sens critique dans les bras de son jeune amant, Sascha (Adrien Drumel). Accusation justifiée par le silence d’Agnès, qui ne démystifie pas des échanges ridiculement ampoulés entre artistes prétentieux. Annabelle (Gwendoline Gauthier) est venue proposer à Sascha le rôle principal d’un "film du terroir" et Cordula (Chloé Winkel) l’esquisse d’une "performance pas encore à maturité". Malgré leurs flatteries, Sascha décline ces offres. Il ne veut plus "servir de surface de projection à d’autres gens. Maintenant, il cherche à avancer sur le plan humain."

La projection de son film expérimental confirme la mauvaise foi de la blogueuse incorruptible. Alors que Fanny n’est pas emballée et qu’Adrian trouve que "c’est de la merde. Du Nietzsche réchauffé", Agnès partage l’enthousiasme des admiratrices de ce film qui "n’est pas un plagiat mais une citation." Comme Alceste, elle perdra ses illusions difficilement.

Rebekka Kricheldorf a la dent dure. Son feu nourri de phrases cinglantes rend savoureuse et jubilatoire cette satire d’artistes vaguement désenchantés. Ils se gargarisent de formules creuses qui, en leur donnant l’illusion de créer, flattent leur égo. Certains sont caricaturaux, d’autres laissent percer leur part d’ombre. Fanny n’est pas aigri par ses échecs. Son désir de vivre la pousse à faire des concessions et à s’intégrer dans uns société peuplée de faux-semblants. Prenant au sérieux son rôle de père, Adrian recherche l’authenticité. Tant pis s’il passe pour un vieux con. A vingt-cinq ans, Agnès a publié une oeuvre de 700 pages. Les chiffres de vente de ce best-seller ont explosé. Elle aurait pu jouer le rôle de la jeune romancière prodige. Elle a refusé. Par respect pour les grands auteurs. Et maintenant à cause de sa sincérité, on la déteste.
En 2008, Philippe Sireuil a mis en scène "Le Misanthrope", "joué aujourd’hui avec des costumes et des corps d’aujourd’hui". On comprend qu’il ait eu envie de s’attaquer à "Mademoiselle Agnès". Le décor sobre et élégant permet aux personnages de s’imposer. Et les huit comédiens qui les incarnent maîtrisent remarquablement le mélange de cruauté et de comique de cette brillante comédie.

Jean Campion

Photo : Hubert Amiel

Théâtre des Martyrs