Ames sensibles, s’abstenir. Série noire au rythme d’implacables vociférations et de mains ensanglantées. Une atmosphère suffocante : la mort rôde partout au milieu des grilles, des cages et des parois métalliques inventées par le metteur en scène. Elles font penser aux prisons américaines. C’est le « Macbeth » de Michel Dezoteux au Grand Varia : bourré de l’énergie du désespoir. Le texte est serré, épais, élagué mais non simplifié -le bonheur- brutal et spectaculaire fleuve de noirceur humaine.
Karim Barras campe à merveille les sinistres desseins de Macbeth, un cran de noirceur au-dessus de celle de Richard III, plusieurs crans en dessous des doutes d’Hamlet. Macbeth s’est visiblement fourvoyé dans l’exercice de la violence, par faiblesse, devant le regard dévorant de Lady Macbeth, mante religieuse encore plus assoiffée de pouvoir que lui. Il hésite à passer à l’acte devant l’ingratitude et l’énormité du forfait que lui suggère son épouse. Mais il baisse pavillon devant ses sarcasmes.
Lady Macbeth, rien à voir avec celle incarnée par Anoushka Vingtier, il y a quelques semaines au Théâtre du Parc, est incarnée par Coraline Clément, pâle comme la mort, volontairement vulgaire, juchée sur des souliers couverts de strass, à semelles compensées rehaussées au propre comme au figuré de stylets vertigineux, de vraies armes du crime. A se demander comment elle fait pour se mouvoir, ivre d’envie et de pouvoir, elle titube d’ailleurs à plusieurs reprises. Une belle symbolique de la folie des grandeurs insatiable de l’épouse à jamais insatisfaite. Réduites à leur plus simple apparition, Fanny Marcq joue les trois sorcières à la fois, dans un registre plutôt lascif, sur un arrière fond musical plus rock que baroque, une constante chez Michel Dezoteux.
Baptiste Sornin interprète avec allure ce Malcom qui au début de la pièce, est un leader faible et inexpérimenté. Il fuit l’Ecosse, de peur, après le meurtre de son père. Mais, mûrissant, et avec l’aide de Macduff et d’une armée anglaise, il renversera finalement Macbeth rétablissant ainsi l’ordre qui avait été détruit après l’assassinat de Duncan (Eric Castex).
Denis Mpunga donne une belle voix et une solide envergure à Macduff qui joue un rôle central dans la pièce : il soupçonne Macbeth d’être régicide et finit par tuer Macbeth lors du dernier acte, vengeant la mort de sa femme et ses enfants, tués par un homme de main de Macbeth ( un très crédible Blaise Ludik, préposé à une série de rôles mineurs. Macduff peut être considéré comme le héros vengeur qui aide à sauver l’Ecosse de la tyrannie de Macbeth. La fin d’une tyrannie, serait elle seule respiration dans cette pièce étouffante, l’ultime soupir de soulagement ? La prophétie des sorcières qui a dévoilé que les fils de Banquo règneront sur le trône écossais, s’accomplit quels que soient les absurdes soubresauts des faibles humains.
Le Banquo de Vincent Minne est le seul « good guy », l’opposé de Macbeth. Il est noble attentionné, loyal et digne de confiance. … Non seulement Macbeth est sensible aux prophéties, mais il est jaloux de cette belle nature : c’est bien pour cela qu’Il doit être exécuté ! RIP Banquo.
Tant d’orgueil, de mépris des autres, et d’aveuglement, ne peuvent conduire l’insupportable Macbeth qu’à sa perte… Il payera le prix de sa violence, de sa folie et de son immense faiblesse. Est-ce le propos de Michel Dezoteux ? ...C’est le nôtre.
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