Ma soeur, ma juge

Théâtre | Théâtre de la Vie

Dates
Du 4 au 6 février 2009
Horaires
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Ma soeur, ma juge

Ma sœur, ma juge – plus qu’une simple adaptation – est le fruit d’une rencontre entre deux femmes : l’une comédienne, l’autre juge des enfants. Tandis que la comédienne donne chair au langage, la juge tranche et fait voeu de justice. Toutes deux pratiquent l’art de nommer l’humain dans sa plus grande complexité, que les mots livrés soient salvateurs ou incisifs. Porter à la scène le manuscrit Sans Jugement de Lise Bonvent (récemment publié aux Éditions Cartouche) s’est imposé à Michèle Nguyen comme une évidence : la comédienne fait immédiatement corps avec ce texte qui dévoile cette part mystérieuse et paradoxale qu’est la difficulté à juger quelqu’un, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants ou d’adolescents en perte et en quête d’identité. Un témoignage troublant qui creuse, questionne et provoque les failles de notre système judiciaire. (Extrait :) Oui, aujourd’hui, j’ai pris la place de ce quelqu’un.
Dire : « Cela ne se fait pas ».
Dire aussi le mal de chien, dire les traces qui vont rester, la douleur soupçonnée par personne.
La dire droit dans le regard.
Sans aucun détour.
Y a-t-il un après à l’odieux ?
Il faut le laisser venir…
Je le sais.

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Mercredi 3 décembre 2008, par Jean Campion

Un Appel à plus d’humanité

En avril 2008, l’actrice - conteuse Michèle Nguyen avait présenté, sous le titre "In limine", une première adaptation du livre de Lise Bonvent : "Sans jugement". Très ébranlée, par la confrontation entre cette juge et une enfance complètement délaissée, elle l’a retravaillée, pour mieux se l’approprier : " Tant que je n’ai pas trouvé, je change. Ma recherche est d’être le plus à nu possible.". Déconcertante parfois, cette version épurée impressionne par l’osmose entre la comédienne qui fait vibrer les mots et la juge qui voudrait dépasser le cadre de sa profession.

La construction du spectacle est sinueuse, puisque s’y entremêlent les témoignages de Lise Bonvent, le récit d’une amitié fusionnelle et un conte célèbre. Une table en fer, une chaise et quelques feuillets suggèrent le bureau de la magistrate. Même dépouillement dans l’évocation des affaires traitées. Michèle Nguyen dirige le projecteur sur la vulnérabilité de l’enfant et sur la responsabilité de la juge. Quel destin attend ce bambin nu ? Les policiers l’ont recueilli, mais ne peuvent pas le ramener chez ses parents, parce que ceux-ci se disputent de plus en plus violemment. Comment offrir une seconde chance à Jean, le braqueur de station - service ? Cette fille, murée dans son silence, est-elle condamnée irrémédiablement à l’hôpital psychiatrique ? Pour Lise Bonvent, ces jeunes, largués par le système, sont avant tout victimes de l’aveuglement, de la démission ou de la lâcheté de leur entourage. Elle doit afficher la correction imposée par sa fonction, mais on la sent révoltée par "l’humanisation" des cellules d’isolement ou par les risques que, que l’on fait courir à Blandine, en la laissant à la merci de monsieur R., violeur de sa soeur.

Grâce à des gestes maîtrisés et à une voix sereine, la comédienne donne beaucoup d’intensité à ces entretiens. C’est dans un style plus détendu qu’elle évoque la genèse du spectacle et l’éclosion de son amitié avec Lise. Quand elles se retrouvent, pour examiner l’adaptation de Michèle, les deux femmes n’osent pas entamer d’emblée cette démarche délicate. Elles préfèrent laisser fondre leur timidité, en consacrant de nombreuses heures au dépouillement du sapin de Noël. Cette séquence, malheureusement trop longue, confirme que l’apprivoisement réclame du temps.

Invité surprenant, Barbe - Bleue se glisse, à plusieurs reprises dans le monologue. La conteuse revisite avec talent la sinistre histoire. Dans cette version, le père vend successivement ses six filles au riche et cruel seigneur et l’épouse trop curieuse tient tête à son mari impitoyable : derrière le monstre se cache un homme nu. Ce récit libère une forte émotion et plusieurs questions sur le sens de différents symboles. Questions qui s’ajoutent à celles que l’on aimerait poser à Lise Bonvent, pour éclairer plus objectivement la situation d’une juge pour enfants. Ces interrogations ne masquent pas la grande qualité de ce spectacle rigoureux et fervent. Un témoignage chaleureux qui nous conduit au coeur de l’humain.

Théâtre de la Vie