Dès les premières secondes, le ton est donné. Le langage est cru et imagé. Hugo Claus avait la dent dure à l’égard de ces gens-là, les friqués qui ne dédaignent pas les charmes , ni les spécialités des belles entraîneuses mais disparaissent dès que celles-ci se font buter.Tout le monde en prend pour son grade sous le pinceau vitriolé de l’auteur : les notables, les bien-pensants, la police, l’Eglise. Tiens, un de ces notables s’appelle Daneels. Il fallait oser !
On rit souvent, non pas des situations mais du cynisme des répliques que Claus attribue à ses personnages.Georges et Mimi sont des blessés de la vie qui manient l’humour et le sarcasme pour ne pas sombrer.Traitée de putain en 44 alors qu’on lui tondait les cheveux dans la rue, Mimi a entraîné sa fille dans les méandres de sa vie. A la fois terrorisée et fascinée par la mort, Mira regarde le monde au travers de lunettes noires, qu’ell gardera pendant une bonne partie de la représentation. Cheveux blonds camouflés sous une perruque noire, Valérie Bauchau donne corps à cette "woman in black" qui ricane en silence............... Le rôle de Mimi est magnifiquement interprété par Janine Godinas, à la fois digne et pleine de verve. A aucun moment, elle ne sombre dans la caricature d’une quelconque madame Rose mais nous laisse, par petites touches, entrevoir les blessures d’une femme écorchée à vif.Elle en connait un bout sur les hommes et ne leur fait pas de cadeau. Elle est, tantôt virulente dans sa hargne, tantôt pathétique dans sa relation à ce chien empaillé qu’elle attache à ses pas, à l’instar d’un enfant qui refuse de se débarasser d’un nounours usé. Entre la mère et la fille, le personnage de Georges est campé par Philippe Jeusette, particulièrement convaincant dans ce triple rôle de souteneur, d’amant et de journaliste quelque peu philosophe.
Pendant une bonne partie de la pièce, Mira restera scotchée à la vitrine du bar, fenêtre ouverte sur le monde extérieur mais écran total sur ce qui se passe à l’intérieur. Elle sera crucifiée sur l’autel de l’hypocrisie et de la médiocrité.
Voir Mort de chien, c’est découvrir ou redécouvrir un des plus grands auteurs du 20me siècle, pourfendeur de l’esprit étriqué du provincialisme flamand. C’est lui qui, en 2008, décida en toute conscience de quitter la scène de la vie dans la dignité. Les catholiques flamands ne luit ont sans doute pas pardonné.
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